Michael McNurney (MM) : Bonjour et bienvenue dans la série vidéo de Janus Henderson consacrée à la crise du COVID. Je m’appelle Michael McNurney. Je suis accompagné aujourd’hui par Agustin Mohedas et nous allons parler de l’évolution de la maladie, en particulier aux États-Unis, ainsi que de certaines avancées relatives aux traitements et aux vaccins en cours de développement pour lutter contre le Covid-19.
Agustin, dans de nombreuses régions du monde la maladie est en passe d’être maîtrisée et la courbe s’aplatit. Cependant, ici aux États-Unis, le scénario est bien différent. Pouvez-vous faire le point sur ce qui se passe ici, aux États-Unis ?
Agustin Mohedas (AM) : Certainement. Aux États-Unis, la courbe s’est aplatie en mai et début juin, mais à un niveau bien plus élevé que dans d’autres pays, notamment de l’Union européenne. Nous en avions déjà parlé précédemment en évoquant les États-Unis. Cette divergence est désormais très nette et le nombre de cas augmente, en particulier dans la Sun Belt [qui comprend 15 États du Sud et du Sud-Ouest]. Depuis la dernière semaine de juin, nous avons ainsi enregistré en moyenne entre 40 000 à 50 000 nouveaux cas par jour et ces chiffres pourraient encore s’accélérer.
Les décès, en revanche, n’ont pas augmenté et nous enregistrons actuellement moins de 1 000 décès par jour depuis le début du mois de juin et cette tendance à la baisse se poursuit. En effet, grâce à une plus grande disponibilité des tests de dépistage, nous pouvons détecter les cas à un stade plus précoce de la maladie.
Par ailleurs, le nombre de cas positifs a eu tendance à augmenter chez les individus de moins de 50 ans. Or, comme nous le savons, le Covid-19 est nettement moins meurtrier chez les plus jeunes. Nous constatons donc une progression de la maladie chez les jeunes, qui respectent moins la distanciation sociale, mais qui ont bien moins souvent besoin d’être hospitalisés que les personnes de plus de 50 ans.
Enfin, les personnes âgées de plus de 50 ans se contentent de se mettre à l’abri chez elles ou de se distancer socialement de manière bien plus responsable par crainte d’attraper la maladie.
MM : Agustin, peut-on attribuer la baisse du taux de mortalité à notre expérience et à notre meilleure connaissance de la maladie et de ses traitements ?
AM : Oui, certainement. Les médecins et les infirmières ont acquis une plus grande expérience dans le traitement des patients atteints de Covid-19 et ont appris à utiliser la ventilation de manière adaptée. Nous avons également appris que les stéroïdes ont un effet bénéfique sur la mortalité lorsqu’ils sont administrés durant la phase inflammatoire de la maladie. Et nous avons également le [médicament] Remdesivir de Gilead [Sciences] comme antiviral à action directe contre le Covid-19. Cette combinaison de facteurs a donc permis à cette maladie d’être plus facile à traiter et à surmonter, ce qui a certainement contribué à réduire son taux de mortalité.
MM : Nous avons également déjà évoqué le fait que la maladie a été traitée différemment d’une région à l’autre et qu’elle a parfois été quasiment éradiquée. Est-ce simplement parce que les autorités de ces pays ont déployé plus rapidement leurs mesures visant à freiner la propagation de la maladie ou sommes-nous face à des dynamiques différentes qui ont contribué à la flambée de la maladie ici aux États-Unis ?
AM : Oui, je pense que la dynamique observée aux États-Unis est attribuable au fait que la réponse a été en grande partie dictée de manière individuelle par chaque État. Certains États ont donc mieux réussi que d’autres et nous en constatons les effets aujourd’hui. De plus, le déconfinement des États américains a systématiquement débuté avec un nombre de cas actifs sensiblement plus élevé que lorsque des pays comme la Corée du Sud ont commencé à alléger certaines de leurs mesures de distanciation sociale. L’épidémie a donc toujours été bien plus active aux États-Unis, et bien sûr, à mesure que nous réduisions les mesures de distanciation sociale, nous avons assisté à une recrudescence des cas.
MM : Vos réflexions passées ont été très précieuses et se sont avérées remarquablement précises en ce qui concerne la modélisation de la progression de cette maladie. Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez l’avenir, en particulier ici aux États-Unis ?
AM : Auparavant, je modélisais la situation aux États-Unis en fonction de la trajectoire européenne parce que, dans une large mesure, nous agissions de la même manière que les Européens. Toutefois, maintenant que la trajectoire américaine diverge de manière plus marquée de celle de l’Europe, nous ne pouvons plus nous inspirer de cette dernière. Ainsi, dans ma dernière mise à jour du modèle, je me suis intéressé principalement au moment où nous avions commencé à aplatir la courbe, c’est-à-dire la période de fin avril à début juin. Or, si nous parvenions à infléchir à nouveau la courbe de façon similaire, sachant que nous avons actuellement un nombre bien plus élevé de cas actifs qu’à l’époque, cela signifierait que nous arriverions probablement à environ 100 000 nouveaux cas par jour d’ici fin août début septembre.
Toutefois, ce qui me préoccupe, c’est que l’accélération constatée dans certains États comme le Texas, la Floride et l’Arizona est si importante que si ces États ne commencent pas à mettre en œuvre des mesures similaires à celles adoptées par le New Jersey, New York et le Massachusetts en avril et mai, nous pourrions assister à une accélération continue du nombre de nouveaux cas quotidiens et la situation pourrait dégénérer assez facilement et assez rapidement.
MM : L’un des grands espoirs est que nous finissions par obtenir un vaccin contre cette maladie et nous avons récemment obtenu de bons résultats avec certains des vaccins à base d’ARNm qui sont en cours de développement. Pouvez-vous également nous faire une mise à jour sur ce point ?
AM : Oui, effectivement, nous avons reçu une partie des données de phase 1 concernant l’un des candidats-vaccins développés en collaboration par Pfizer et BioNTech. Ces données de phase 1 ont fait apparaître, chez des volontaires sains, un niveau très élevé d’anticorps générés à partir des deux doses de leur vaccin à base d’ARNm. En effet, la technique de vaccination à base d’ARNm est une nouvelle approche qui utilise l’organisme comme usine de production des protéines contre lesquelles on souhaite s’immuniser.
Or la quantité d’anticorps neutralisants générés par ce vaccin était deux à trois fois supérieure à celle générée par l’infection elle-même. Ceci est donc de très bon augure pour ce vaccin qui entrera en phase 3 des essais plus tard cet été.
MM : À mesure que certaines de ces entreprises se lancent dans la recherche d’un vaccin, je suppose que le grand nombre d’infections ici aux États-Unis leur offre de très bonnes conditions pour effectuer certains de leurs tests. Vous confirmez ?
AM : Oui, paradoxalement, l’un des avantages de cette seconde vague aux États-Unis est que les fabricants de vaccins, dont beaucoup sont basés aux États-Unis, disposeront de bien meilleures conditions pour tester le vaccin. Ainsi, la Floride, le Nevada, le Tennessee, l’Arizona et la Caroline du Sud, qui connaissent tous une augmentation du nombre de cas, seront d’excellents endroits pour enrôler les dizaines de milliers de patients qui seront nécessaires pour tester tous ces différents candidats-vaccins, et la situation actuelle aux États-Unis est donc plutôt propice au développement d’un vaccin.
MM : Même si nous parvenons à mettre au point une thérapie ou un vaccin contre cette maladie, je suppose qu’il sera difficile d’accélérer la production de ce vaccin. Avez-vous des informations concernant la possibilité de produire un vaccin en quantité suffisante pour qu’il ait un réel impact ?
AM : De nombreux pays travaillent sur l’aspect de la production industrielle depuis le printemps. Les travaux de production à grande échelle sont donc déjà en cours et des entreprises comme Pfizer, BioNTech, Moderna, GSK [GlaxoSmithKline], J&J et d’autres affirment qu’elles disposeront de centaines de millions de doses en 2021 et peut-être de dizaines de millions de doses d’ici la fin de l’année, de sorte qu’il sera possible de commencer à administrer le vaccin aux professionnels de santé, aux personnes les plus exposées et à celles qui sont les plus vulnérables.
Vu le grand nombre de vaccins en cours de développement, il est très probable que nous en ayons deux ou trois, voire plus, qui génèrent des données positives en phase 3 des essais cliniques. Nous disposerons donc de capacités importantes, du moins ici aux États-Unis et, espérons-le, pour le reste du monde également.
MM : Eh bien, Agustin, nous apprécions toutes ces informations qui me paraissent particulièrement intéressantes et devraient nous aider à prendre de meilleures décisions d’investissement. Merci, Agustin, et merci également pour votre temps.
AM : Je vous en prie. Merci à vous, Mike.