J'ai pensé vous faire un bref exposé des dernières réflexions de notre équipe. HSBC a utilisé l’expression « la décennie du déni », pour en fait qualifier une période de faiblesse prolongée : une inflation plus faible, une croissance plus faible et des rendements obligataires plus faibles, ce que beaucoup de gens préfèrent ignorer, surtout aux États-Unis, un peu moins en Europe. Nous sommes de cet avis depuis 2013, date à laquelle nous avons commencé à partager la thèse de Richard Koo [de Nomura] sur la stagnation de long terme. À cela s’ajoute la crise du Covid, que nous n’avions pas anticipée, pas plus que la crise pétrolière. Nous ne sommes bien sûr pas surpris par le sens dans lequel évoluent les rendements obligataires, en revanche, nous sommes un peu surpris par le rythme de cette évolution.
La japonification s’est étendue aux États-Unis
La japonification de l’Europe était un thème majeur et nous avons pu l’exploiter au mieux, ainsi que nos investisseurs. À notre avis, ce phénomène est en train de se propager et s’est étendu aux marchés américains des obligations d’entreprises. Si vous regardez le cas du Japon, ce que la banque centrale a fait en réalité, c’est supprimer complètement la volatilité. C’est presque un contexte idéal, un environnement idyllique pour l’investissement en obligations d’entreprises investment grade. Ceci est rendu possible par le fait que la Fed [Réserve fédérale américaine] couvre les risques de défaut investment grade et, dans une moindre mesure, du haut rendement en achetant ces titres. Il faut en plus associer cela à une recherche frénétique, presque désespérée, de rendement. Je fais ce travail depuis 20 ans maintenant et la seule chose que j’ai réellement entendue, c’est « donnez-moi un rendement raisonnable et fiable ».
Un afflux de capitaux inhabituellement élevé pour une offre relativement limitée
Et donc, ce à quoi nous avons assisté, c’est à une offre abondante, (Nick [Ware] a récemment écrit un article expliquant que la surabondance d’obligations s’est transformée en pénurie, et c’est tout à fait d’actualité), une suppression de la volatilité et la souscription d’un risque systémique, car l’investment grade est véritablement une classe d’actifs systémique, portée par la volatilité du VIX et, dans une moindre mesure, par les probabilités de défaut.
En outre, comme je l’ai dit, il y a eu de gros afflux de capitaux pour une offre assez limitée. Les acheteurs étrangers ont été des acteurs importants sur les marchés des obligations d’entreprises américaines, car la baisse des taux d’intérêt s’est traduite par une diminution des coûts de couverture en devises locales. Selon nous, les obligations d’entreprises américaines sont en fait assez bon marché, si on les compare à l’échelle internationale, et nous pensons que la quête désespérée de rendement ne fera que continuer. Il faut regarder du côté du Japon pour trouver les preuves. La suppression de la volatilité, les baisses des indices MOVE et VIX indiquent que la volatilité a été éliminée par les banques centrales. C’est un excellent environnement pour investir en obligations d’entreprises.
D’une certaine manière, les titres de bonne qualité et offrant un revenu raisonnable sont finalement pratiquement considérés comme les nouvelles obligations souveraines, presque comme le nouveau taux sans risque. Les entreprises les plus connues sont quasiment les nouveaux emprunteurs souverains, une sorte de nouveau taux de référence, car la courbe des taux souverains s’est complètement effondrée. C’est exactement ce à quoi nous avons assisté en Europe et c’est exactement ce qui se passe en Amérique. Et cela se passe même remarquablement vite. Malgré tout, nous pensons que certains restent sous-pondérés en obligations et les flux sont vraiment massifs et presque terrifiants, même pour moi qui fais ce métier depuis longtemps.
Les dernières réflexions et les recherches récentes de l’équipe
Enfin, j’aimerais mettre en lumière certaines des recherches que l’équipe a récemment effectuées. J’ai écrit un article intitulé « Alors, qu’en est-il de l’inflation ? ». Selon moi, il ne faut pas confondre les hausses inévitables, cycliques, dues aux perturbations de la chaîne de production, et la volatilité des prix des matières premières, du bois, de l’or et du cuivre — une sortie de cycle — avec un changement séculaire ou structurel. Cela sera probablement le débat de l’an prochain. J’ai déjà cité l’article de Nick intitulé « From bond glut to bond drought » (« De la surabondance d’obligations à la pénurie »), mais Jenna [Barnard] et Nick ont également écrit un nouvel article sur la rupture du lien entre baisse du PIB et taux de défaut.
Les taux de défaut en Amérique seront plus élevés parce que les composants de l’indice sont généralement de moins bonne qualité et que l’État procède à moins de plans de sauvetage. En revanche, en Europe, nous pensons que les taux de défaut pourraient être assez faibles, avec une « zombification » de certaines entreprises mais un soutien massif des gouvernements. L’Allemagne, par exemple, a investi près de trois milliards [d’euros] dans TUI par l’intermédiaire de diverses agences. Ils ont investi neuf milliards [d’euros] dans Lufthansa. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, la socialisation du risque est très importante en Europe. Et c’est une différence intéressante.
Ainsi, pour résumer, nous conservons une vision plutôt haussière. Les spreads des obligations d’entreprises se sont beaucoup resserrés, mais la suppression de la volatilité, à l’instar de ce qui s’est passé au Japon, reste l’élément majeur.
Merci beaucoup pour votre attention. Si vous souhaitez nous faire part de vos réflexions ou si vous avez des questions, veuillez contacter votre distributeur local. Je vous remercie de votre attention.
Note : le renflouement de la Lufthansa par l’État allemand s’est élevé à 9,9 milliards de dollars, soit 8,3 milliards d’euros selon le taux de change en vigueur le 14 août.