Courbe des taux inversée : un argument en faveur des obligations en 2023 ?
Dans leurs perspectives 2023, les gérants de portefeuille Seth Meyer et John Lloyd discutent des implications historiques d'une inversion de la courbe des taux pour la performance des obligations par rapport à celle des actions.

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Principaux points à retenir :
- L'inversion de l'écart de rendement entre les bons du Trésor américain à 10 ans et ceux à 3 mois a permis de prévoir chacune des huit dernières récessions aux États-Unis. Face à la nouvelle inversion de la courbe des taux en 2022, les investisseurs ne peuvent négliger le risque de récession en 2023.
- Historiquement, les obligations investment grade surperforment les actions après une inversion de la courbe des taux jusqu'à ce qu'une récession survienne et que le marché actions atteigne son niveau le plus bas.
- Selon nous, l'ampleur actuelle de l'inversion peut plaider en faveur d'une surpondération tactique des obligations investment grade destinées au cœur de portefeuille.
En 1986, le professeur Campbell Harvey de la Duke University a publié une thèse sur l'existence d'un lien entre l'inversion de la courbe des taux1 et les récessions. Chacune des quatre récessions2 qu'il a étudiées a été précédée d'une inversion de l'écart de rendement entre les bons du Trésor américain à 10 ans et ceux à 3 mois (c'est-à-dire, un spread 10 ans - 3 mois négatif). Depuis la publication de sa thèse, quatre autres récessions3 ont eu lieu aux États-Unis et chacune d'entre elles a également été précédée d'un spread 10 ans - 3 mois négatif.
Pour de nombreux investisseurs, une inversion de la courbe des taux est devenue le principal indicateur d'un ralentissement économique. D'après le professeur Harvey, l'inversion de la courbe des taux n'est pas nécessairement la cause de la récession mais plutôt un baromètre de la perception de l'avenir de l'économie. Selon lui, lorsque les investisseurs s'inquiètent pour les perspectives économiques, ils ont tendance à acheter des valeurs refuges telles que les bons du Trésor américain à 10 ans. Si leur moral est en berne, la pression acheteuse sur les bons du Trésor américain à 10 ans peut s'intensifier au point que son rendement devienne inférieur à celui des bons du Trésor à 3 mois, ce qui entraîne une inversion de la courbe des taux. Le graphique 1 montre les quatre dernières récessions aux États-Unis précédées d'une inversion de la courbe des taux, ainsi que l'inversion actuelle.
Graphique 1 : Un spread 10 ans - 3 mois négatif est un indicateur fiable des récessions aux États-Unis
Source : Bloomberg, au 30 novembre 2022.
Même si l'inversion de la courbe des rendements du Trésor américain entre les échéances 3 mois et 10 ans aurait permis de prédire chacune des huit dernières récessions aux États-Unis, il convient de noter que rien ne garantit que l'inversion actuelle aboutira à une récession. Néanmoins, pour les investisseurs, il peut être utile pour affiner le positionnement de leur portefeuille de s'intéresser à la relation historique entre l'inversion, la récession et la performance des actifs financiers. En outre, connaître les limites de cet indicateur peut aider les investisseurs à ne pas accorder une confiance aveugle aux signaux qu'il peut envoyer.
Le graphique 2 montre que, pour les quatre dernières récessions, il s'est écoulé en moyenne huit mois entre le pic d'inversion de la courbe des taux et le début de la récession. En outre, dans tous les cas, le marché actions a atteint son niveau le plus bas quelques mois après le début officiel de la récession (il s'agit d'un point important à prendre en compte pour les investisseurs qui se demandent si les marchés actions ont déjà atteint le creux de la vague dans le cycle actuel). En résumé, historiquement, le cours des événements est le suivant : une inversion suivie d'une récession, puis d'un creux du marché actions.
Graphique 2 : Relation historique entre l'inversion de la courbe des taux, les récessions et les creux du marché actions aux États-Unis
Historiquement, les actions américaines atteignent le creux de la vague plusieurs mois après le début de la récession.
Récession du début des années 1990 | Bulle Internet de l'an 2000 | Crise financière mondiale | Covid-19 | 2022 | Moyenne | |
Mois du pic d'inversion | juin 1989 | déc. 2000 | mars 2007 | août 2019 | nov. 2022* | — |
Niveau du pic d'inversion | -0,35 % | -0,86 % | -0,59 % | -0,48 % | -0,71 % | -0,57 % |
Mois écoulés entre le pic d'inversion et le début officiel de la récession | 13 | 3 | 9 | 6 | ? | 8 |
Mois écoulés entre le pic d'inversion et le creux du marché actions | 16 | 22 | 24 | 7 | ? | 17 |
Source : Bloomberg, Janus Henderson Investors, au 30 novembre 2022. *La date et le niveau du pic d'inversion dans le cycle actuel sont arrêtés au 30 novembre 2022, mais les données définitives ne seront connues qu'après la fin du cycle. Creux du marché actions basé sur la perte cumulée maximale de l'indice S&P 500 au cours du cycle.
Si une courbe de rendement inversée a permet historiquement de prédire la suite des événements, ainsi que leur ordre, sa capacité à prédire d'autres variables telles que le niveau maximal de l'inversion, le début de la récession et sa durée ou encore l'ampleur ou la durée du marché baissier des actions, est limitée. C'est là que réside la difficulté pour les investisseurs : il est impossible de prévoir la durée de ces cycles. Les investisseurs doivent donc faire preuve de prudence lorsqu'ils émettent des hypothèses concernant le calendrier des événements attendus.
La courbe des taux à nouveau inversée : et maintenant ?
Fin octobre 2022, la courbe des rendements du Trésor américain (entre les échéances 3 mois et 10 ans) s'est inversée pour la première fois depuis 2019 et cette inversion s'est accentuée tout au long du mois de novembre. Les investisseurs envisagent ainsi une récession et se demandent comment positionner leur portefeuille en ce début d'année 2023. Selon nous, l'inversion constitue historiquement un signal pour privilégier les obligations aux actions jusqu'à ce que le marché actions atteigne le creux de la vague, comme le montre le graphique 3.
Graphique 3 : Performance entre le pic d'inversion et le creux du marché actions américain
Historiquement, les obligations surperforment les actions après un pic d'inversion.
Source : Bloomberg, Janus Henderson Investors, au 30 novembre 2022. Les périodes d'observation de la performance vont de la date du pic d'inversion de la courbe des rendements du Trésor américain (entre les échéances 3 mois et 10 ans) à la date du creux du marché actions. Les périodes d'observation de la performance sont les suivantes : de juin 1989 à octobre 1990 pour la récession du début des années 1990, de décembre 2000 à octobre 2002 pour la bulle Internet de 2000, de mars 2007 à mars 2009 pour la crise financière mondiale et d'août 2019 à mars 2020 pour la crise du Covid-19. La performance du marché actions est représentée par l'indice S&P 500 et la performance du marché obligataire est représentée par l'indice Bloomberg U.S. Aggregate Bond. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Dans la mesure où la courbe des taux est très nettement inversée à l'heure actuelle, il est possible que les obligations investment grade destinées au cœur de portefeuille surperforment les actions au fil du cycle économique. Trouver le bon timing pour commencer à positionner un portefeuille en conséquence n'est pas chose aisée et nous invitons les investisseurs à prêter attention aux balises permettant de repérer dans quel stade le cycle économique se trouve. D'après nous, la nette inversion observée actuellement est le signe que nous entrons dans la phase suivante du cycle, qui voit généralement les obligations surperformer. Les investisseurs peuvent ainsi envisager une surpondération tactique des obligations investment grade destinées au cœur de portefeuille.
En plus d'une rotation vers les obligations, nous suggérons aux investisseurs de prêter attention au positionnement au sein de la poche obligataire de leur portefeuille. En bref, nous privilégions actuellement les obligations investment grade de grande qualité. Nous avons également une préférence pour les actifs titrisés – en particulier les titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) d'agences, les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales (CMBS), les titres adossés à des actifs (ABS) et les « collateralized loan obligations » (CLO) – par rapport aux obligations d'entreprises dans la mesure où les actifs titrisés présentent en général une notation de crédit moyenne plus élevée.
En outre, les actifs titrisés se négocient sur la base de spreads qui, selon nous, reflètent déjà l'éventualité d'une récession. En revanche, les obligations d'entreprises (investment grade mais aussi high yield) affichent encore des spreads proches de leurs moyennes de long terme et reflètent une faible probabilité de récession ou bien une récession très légère. En cas de récession aux États-Unis en 2023, les spreads des obligations d'entreprises devraient se creuser pour refléter les risques déjà intégrés dans la valorisation des actifs titrisés, qui sont ainsi susceptibles de surperformer.
1 En général, les taux d'intérêt à long terme sont plus élevés que ceux à court terme. En de rares occasions, c'est le contraire, ce qui se traduit graphiquement par une courbe des taux inversée.
2 Les quatre récessions antérieures à la publication de la thèse de Harvey ont eu lieu en 1969-1970, 1973-1975, 1979-1980 et 1981-1982.
3 Les quatre récessions intervenues depuis la publication de la thèse de Harvey ont eu lieu en 1989-1991 (récession du début des années 1990), en 2001 (éclatement de la bulle Internet de l'an 2000), en 2007-2009 (crise financière mondiale) et en 2020 (pandémie de Covid-19).
L’indice Bloomberg U.S. Aggregate Bond est un indicateur global du marché des obligations imposables à taux fixe investment grade, libellées en dollars américains.
Le spread de crédit est la différence de rendement entre des titres de même échéance, mais de qualité de crédit différente. En règle générale, un élargissement du spread traduit une dégradation de la qualité de la signature des entreprises emprunteuses, tandis qu’un resserrement du spread est le signe d’une amélioration de la qualité de la signature.
Les obligations investment grade sont généralement émises par des gouvernements ou des entreprises perçues comme ayant un risque de défaut relativement faible. La qualité supérieure de ces obligations se reflète dans leurs notations de crédit plus élevées par rapport aux obligations dont on pense qu’elles présentent un risque de défaut plus élevé, telles que les obligations high yield.
L’indice S&P 500®reflète la performance des grandes capitalisations américaines et représente la performance des marchés actions américains.
La courbe des taux est un graphique représentant les rendements d’obligations de qualité similaires en fonction de leurs échéances. Sur une courbe des taux normale/ascendante, les rendements des obligations à long terme sont plus élevés que ceux des obligations à court terme. Dans le cas d'une courbe des taux inversée, c'est le contraire.
Information importante
La diversification ne garantit pas un bénéfice et n’élimine pas non plus le risque de perte.
Les titres de participation (actions)ont soumis à des risques, y compris le risque de marché. Les performances fluctueront en fonction des évolutions de l’émetteur, de la politique et de l’économie.
Les titres obligataires sont soumis aux risques de taux d’intérêt, d’inflation, de crédit et de défaut. Le marché obligataire est volatil. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, le prix des obligations baisse généralement, et vice versa. Le remboursement du capital n’est pas garanti et les prix peuvent baisser si un émetteur n’honore pas ses paiements en temps voulu ou si sa solidité financière se détériore.
Les obligations high yield ou « junk » impliquent un plus grand risque de défaut et de volatilité des prix. Elles peuvent connaître des variations de prix soudaines et brutales.
Les produits titrisés, tels que les titres adossés à des créances hypothécaires ou à des actifs, sont plus sensibles aux variations de taux d'intérêt, présentent un risque d'extension et de remboursement anticipé et sont soumis à des risques de crédit, de valorisation et de liquidité plus importants que les autres titres obligataires.
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