Que nous réservent les matières premières en 2023 ?
Dans ce questions-réponses, Daniel Sullivan, responsable de l’équipe Ressources naturelles internationales, nous livre son point de vue sur les matières premières et plus largement sur le secteur des ressources naturelles pour l’année à venir. Malgré la menace de récession, il estime qu’il existe de bonnes raisons d’être optimistes.

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Principaux points à retenir :
- Les solides tendances qui soutiennent la croissance de la demande devraient entraîner une hausse des prix de nombreuses matières premières.
- L’actuelle crise de confiance vis-à-vis de la croissance a créé des opportunités d’achat intéressantes.
- La forte demande de cuivre nécessaire à la décarbonation et le retour de la demande pour de nombreuses matières premières grâce à la réouverture de la Chine laissent présager une amélioration des conditions pour le secteur des ressources naturelles.
Q : Les prix des matières premières ont-ils atteint un pic en 2022 ?
R : Beaucoup de matières premières ont enregistré de bonnes performances l’année dernière, notamment le lithium, dont les prix ont augmenté de plus de 70 %, après avoir grimpé de plus de 400 % en 2021.1 Cela a suscité un énorme intérêt sur le marché, une forte performance du cours des actions, de nombreuses levées de capitaux et une multiplication des nouveaux projets. Beaucoup d’autres matières premières ont également vu leurs prix s’envoler, et pourtant, à la fin de l’année, une grande partie de cette vigueur s’était érodée. L’or a terminé l’année là où il l’avait commencée, tandis que le pétrole n’a enregistré qu’une légère hausse1, ce qui témoigne de la nature typiquement court-termiste de certains investisseurs qui sont à l’affût des secteurs « excitants », mais ne veulent pas conserver leur position lorsque l’actualité se calme.
Dans les années 1990, beaucoup de matières premières étaient considérées comme peu attrayantes, avec des prix bas et une faible volatilité, ce qui signifiait que les prix pouvaient rester stables pendant des années. Mais ce que l’impulsion de la demande chinoise a montré durant le « super cycle » des matières premières de 2004-2008, c’est que lorsque la croissance réelle porte la demande à un niveau plus élevé, les prix des matières premières peuvent augmenter de manière très significative et inciter les explorateurs et les détenteurs d’actifs à proposer davantage de matériaux sur le marché. Cela peut aboutir à des résultats très variés. Cela peut être exceptionnellement rapide, comme ce fut le cas lors du premier boom du lithium en 2016, ou cela peut prendre des décennies, comme nous l’avons vu pour le minerai de fer, dont les prix élevés ont persisté pendant bien plus longtemps que prévu. Selon nous, nous venons de gravir la première partie d’une longue ascension vers un environnement de prix plus élevés, nécessaire pour que l’offre de matières premières réponde à la croissance de la demande mondiale.
Q : Les marchés s’attendent à une récession aux États-Unis et en Europe, comment cela va-t-il affecter la demande de ressources naturelles ?
R : Les perspectives d’une grave récession en Europe et aux États-Unis ne se sont pas encore traduites par une baisse des bénéfices des entreprises. Dans un tel environnement, privilégier les entreprises du secteur des ressources naturelles disposant d’actifs de premier ordre, de bilans solides, de faibles coûts ou de marges élevées et d’un bon accès au financement pourrait être une approche judicieuse.
Un grave ralentissement mondial devrait peser sur les prix des matières premières, mais nous pensons que l’impact pourrait en être atténué par l’offre restreinte. Ceci est particulièrement vrai pour les métaux, où la mise en exploitation de nouvelles mines nécessite énormément de temps, de financement et d’autorisations. À notre avis, cela représente une énorme opportunité pour certaines entreprises de ressources naturelles et va rapidement constituer un défi de taille pour les industries à croissance rapide qui dépendent de ces ressources naturelles.
Le choc inflationniste dû à la hausse des prix des matières premières, notamment de l’énergie, a durement touché la plupart des pays. Nous avons vu l’Allemagne prendre des mesures énergiques, en achetant de l’énergie pour s’assurer de disposer de réserves suffisantes pour l’hiver. Pour l’instant, cette tension semble plus gérable compte tenu d’un certain fléchissement des prix du gaz et du pétrole. Étant donné l’importance de l’énergie pour l’économie et les ménages, les pays s’efforcent d’atteindre l’indépendance énergétique et de renforcer leur résilience en augmentant leurs capacités en énergie renouvelable et en réduisant leur dépendance à l’égard d’une énergie dont l’approvisionnement et les prix sont très volatils.
Q : La réouverture complète de la Chine, plutôt que progressive, apporte un optimisme bienvenu sur les marchés, dont les matières premières sont les principales bénéficiaires, mais elle peut aussi s’avérer inflationniste. Quel en sera l’impact sur les entreprises du secteur des ressources naturelles et sur l’économie mondiale au sens large, ainsi que sur les progrès réalisés pour atteindre la neutralité carbone ?
R : Le plus grand cycle qu’ait connu le secteur des ressources naturelles au cours des 35 dernières années a été le super cycle de croissance tiré par la demande chinoise mentionné plus haut. Les actions minières ont triplé au cours des deux premières années, puis ont à nouveau doublé. Étant donné que la Chine fait partie des principaux consommateurs et fabricants de la plupart des matières premières et des produits, nous pouvons comprendre l’importance du changement qui va s’opérer. La Chine est déjà à la pointe de la pénétration des véhicules électriques (VE) et, l’année dernière, la demande mensuelle de cuivre pour la production de VE a augmenté de 25 000 tonnes par mois, ce qui représente l’équivalent d’une nouvelle grande mine de cuivre.2
La Chine occupe une place de premier plan dans la révolution des énergies propres. Les nouvelles mesures de relance de l’économie chinoise pourraient également s’avérer favorables à de nombreuses matières premières, en particulier celles qui contribuent à la décarbonation, comme le cuivre et le lithium, mais aussi les matières premières nécessaires à la construction des installations d’énergie renouvelable, notamment le cuivre, l’aluminium, l’acier et l’argent.
Q : Quel est l’impact du sous-investissement sur le développement des ressources naturelles et plus généralement sur les entreprises du secteur ? Malgré la probabilité d’une récession, allons-nous voir un retour des dépenses d’investissement (capex) cette année ?
R : Les niveaux de stocks de métaux, mesurés par le nombre de jours de consommation, sont déjà bas, par exemple l’aluminium est passé d’une moyenne sur 10 ans de 77 jours à 49 jours.3 Les conditions économiques n’encouragent pas la construction de nouvelles fonderies d’aluminium en Occident et les Chinois ont plafonné leurs niveaux de production. Dans le même temps, les prix élevés de l’énergie en Europe ont entraîné des fermetures importantes. Aucun investissement conséquent n’est prévu dans ce secteur avant plusieurs années. Dans le secteur du cuivre, plusieurs nouvelles grandes mines vont être mises en service cette année, mais il y a une absence notable de projets futurs, ce qui est pourtant indispensable pour atteindre les objectifs de neutralité carbone.
Les capitaux sont actuellement dirigés vers les mines et le traitement du lithium, ainsi que vers l’exploration. Malheureusement, les contraintes liées aux autorisations sont telles que la mise en production d’une grande mine de cuivre découverte aujourd’hui pourrait prendre au moins une décennie. Les éventuelles augmentations des dépenses d’investissement à l’heure actuelle sont malheureusement liées aux pressions inflationnistes plutôt qu’au nombre de nouveaux projets nécessaires pour satisfaire la nouvelle demande qu’exige la transition énergétique.

Image : bassin d’évaporation de lithium
La tendance à la décarbonation s’est déplacée de l’Europe vers les États-Unis. La loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, IRA), qui est entrée en vigueur en août 2022, offre des subventions, qui peuvent durer jusqu’à dix ans, pour favoriser l’accélération des énergies renouvelables, ainsi que d’importants crédits pour la capture et la séquestration du carbone. Au total, ces subventions s’élèvent à près de 400 milliards de dollars. Qui plus est, les États-Unis ont mis en place d’autres programmes visant à renforcer les infrastructures et à encourager la relocalisation, notamment dans le secteur des semi-conducteurs. Pour toutes ces raisons, nous n’envisageons pas que les États-Unis connaissent une récession de grande ampleur.
Q : Selon vous, quelles seront les matières premières qui bénéficieront le plus de la transition vers la neutralité carbone cette année ?
R : Les ressources naturelles constituent les composantes fondamentales du développement économique. Alors que la demande pour certaines matières premières, comme le charbon ou le pétrole, est appelée à plafonner et à décliner, la demande pour d’autres est en hausse et semble devoir augmenter. L’industrie des énergies renouvelables a besoin de cuivre, de lithium, de cobalt, de nickel, de minerai de fer et d’argent. La numérisation nécessite d’énormes parcs de serveurs et d’énormes quantités d’énergie. À une époque où le monde s’efforce d’atteindre un avenir numérisé, électrifié et sans combustibles fossiles, les ressources naturelles ont un rôle incontournable et essentiel à jouer. On observe une demande fondamentalement croissante pour les sources d’énergie et l’alimentation du futur ; une demande qui ne peut être satisfaite que par le secteur des ressources naturelles. Le monde évolue, tout comme la nécessité de recourir aux différents segments du secteur des ressources naturelles.
Les entreprises susceptibles d’en bénéficier sont celles qui sont impliquées dans la production et l’utilisation des ressources naturelles, des équipements ou des produits liés aux matières premières qui sont nécessaires à la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone. Les principaux facilitateurs de la décarbonation sont le cuivre, le lithium, le nickel, les terres rares, l’uranium, la potasse et l’aluminium.
Q : Quelle est votre opinion actuelle sur le secteur des ressources naturelles, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste, et pourquoi ?
R : Pour nous, 2022 a été une année de rupture et de transition. La normalisation des politiques monétaires des banques centrales a mis fin au positionnement anormal auquel les acteurs du marché s’étaient habitués, tels que le niveau ultra bas des taux d’intérêt. Notre optimisme en ce qui concerne les ressources naturelles est lié aux efforts déployés à l’échelle mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour ralentir les dommages causés par le changement climatique dans les écosystèmes. Pour faire passer la totalité de la planète d’une économie reposant essentiellement sur les combustibles fossiles à un système basé sur les énergies renouvelables, il faudra investir chaque année plusieurs milliers de milliards de dollars. Cela pourrait se faire sur les trente prochaines années, jusqu’en 2050 au moins, date à laquelle la plupart des pays ont fixé leurs objectifs de neutralité carbone.
Une grande partie de ce programme va nécessiter de recourir aux métaux essentiels à la construction d’installations d’énergie renouvelable, de batteries et de voitures et réseaux de transport électrifiés. Le cuivre est la colonne vertébrale de l’électrification, et de nombreux métaux spécifiques de moindre importance devraient voir leur demande multipliée par un facteur allant de deux à dix.4 Il s’agit d’un changement important et considérable des prévisions de croissance de la demande pour de nombreuses matières premières, et les entreprises qui existent aujourd’hui vont devoir se développer rapidement et travailler sans relâche pour trouver et développer de nouvelles ressources afin de répondre à cette croissance de la demande.
Le précédent « super cycle » des ressources naturelles était exceptionnel, et principalement dû à l’incroyable programme d’investissement de la Chine et à l’urbanisation de plus de 250 millions de personnes. Cette fois, plus de 8 milliards de personnes et la quasi-totalité des infrastructures énergétiques mondiales sont concernés par la croissance liée à la transition énergétique. Nous nous attendons donc à ce que les effets sur la demande et l’offre soient encore plus importants et aient un impact encore plus durable. Cela nous amène à avoir, dans l’ensemble, une vision plus positive des matières premières et des entreprises de ressources naturelles pour cette année et les suivantes. Nos grands-parents avaient des canaris dans les mines de charbon, et nous, nous avons le cuivre et la Chine – les deux sont bien vivants et annoncent une amélioration du contexte pour les ressources naturelles. En adoptant une approche flexible, les investisseurs pourront profiter des opportunités attrayantes offertes par les tendances porteuses qui devraient déferler sur le secteur.
1 Bloomberg. Performance par année civile. Les performances passées ne permettent pas de prédire les performances futures.
2 TD Securities, China Automotive Information, ICA, décembre 2022.
3 Transcription de l’annonce des résultats du 4e trimestre 2022 d’Alcoa.
4 Bloomberg New Energy Finance, 18 janvier 2023.
Bilan : état financier qui résume l’actif, le passif et les capitaux propres d’une entreprise à un moment donné.
La neutralité carbone se réfère à l’équilibre entre la quantité de gaz à effet de serre produite et la quantité éliminée de l’atmosphère. La neutralité carbone est atteinte lorsque la quantité de gaz à effet de serre ajoutée n’est pas supérieure à la quantité éliminée.
Normalisation de la politique monétaire : abandon progressif des politiques monétaires non conventionnelles des banques centrales (taux d’intérêt nuls ou faibles et achat d’emprunts d’État à court terme) qui avaient été mises en place pour stimuler l’économie mondiale.
Marché rendu : se produit lorsque l’offre est limitée en raison d’une forte demande, ce qui entraîne une hausse des prix.
Volatilité : le taux et l'ampleur selon lesquels le cours d'un portefeuille, d'un titre ou d'un indice, évolue à la hausse ou à la baisse. Si le cours fluctue fortement, à la hausse et à la baisse, sa volatilité est forte. Si le titre fluctue plus lentement ou de façon moins importante alors sa volatilité est faible. Plus la volatilité est élevée, plus le risque de l’investissement est élevé.
Information importante
Les matières premières (comme le pétrole, les métaux et les produits agricoles) et les titres liés aux matières premières sont soumis à davantage de volatilité et de risque, et peuvent ne pas convenir à tous les investisseurs. Le marché des matières premières est spéculatif et peut être influencé par des facteurs incluant les mouvements de marché, les événements économiques et politiques, les perturbations d’offre et de demande, la situation météorologique et sanitaire, ou les embargos.
Les entreprises du secteur des ressources naturelles sont fortement exposées aux variations de l'offre et de la demande de ressources naturelles, aux prix de l'énergie et des matières premières, aux évolutions politiques et économiques, aux sinistres environnementaux, ainsi qu'aux projets de conservation d'énergie et d'exploration.
L'investissement durable ou environnemental, social et de gouvernance (ESG) prend en compte des facteurs au-delà de l'analyse financière traditionnelle. Cette approche peut limiter les investissements disponibles et conduire à des performances et des expositions différentes. Ces dernières peuvent s’avérer plus concentrées dans certains domaines que le marché dans son ensemble.
Les titres étrangers s’accompagnent de risques supplémentaires, dont la fluctuation des devises, l’incertitude politique et économique, une volatilité accrue, une liquidité moindre et des normes différentes en matière de reporting financier et de communication d’informations, autant de facteurs qui sont amplifiés sur les marchés émergents.
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