Perspectives d'investissement ESG : navigation en mer agitée en 2023
Dans un contexte macroéconomique volatil, les véhicules d'investissement intégrant des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) ont généralement sous-performé leurs équivalents non ESG en 2022. Cette réalité a galvanisé les sceptiques et suscité des interrogations quant à la pertinence de l'ESG. Paul LaCoursiere et Bhaskar Sastry évoquent trois raisons pour lesquelles l'ESG restera une considération primordiale pour les investisseurs.

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Principaux points à retenir :
- La crise énergétique pourrait servir de catalyseur à la transition vers une énergie renouvelable bon marché, sûre et propre, mais les combustibles fossiles ne sont pas près de disparaître.
- Les investisseurs doivent s'attendre à ce que l'adoption de l'ESG prenne des trajectoires différentes, notamment entre les États-Unis et l'Europe. L'ouverture et l'honnêteté de tous les protagonistes seront cruciales.
- Nous nous attendons à ce que la perte de biodiversité devienne le deuxième problème de durabilité le plus important après le changement climatique.
La voile est l'un de mes loisirs préférés. Par temps calme, la navigation est un vrai moment de détente, mais lorsque le vent se lève et que les eaux sont agitées, elle peut devenir difficile. La défense de l'investissement durable ressemble souvent à un périple imprévisible, et 2023 ne fera probablement pas exception.
– Paul LaCoursiere
Thème 1 : L'incertitude géopolitique servira de catalyseur à la transition énergétique, mais pas immédiatement
La crise énergétique menée par la Russie et l'Ukraine révèle à la fois la nature interdépendante de l'économie mondiale et sa dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles. En venant s'ajouter à la pandémie de Covid-19, le conflit a entraîné un ralentissement économique, une inflation record sur plusieurs décennies et une crise alimentaire qui s'aggrave dans les pays en développement. Les gouvernements ont réagi en déployant des programmes de soutien énergétique coûteux et en plafonnant les prix, ce qui a pesé sur leurs budgets déjà fragilisés.
La crise met en évidence un trilemme énergétique : comment les pays peuvent-ils assurer la sécurité, le maintien de prix abordables et la durabilité de l'énergie ? Pour l'heure, la sécurité et le maintien de prix abordables de l'énergie sont privilégiés au détriment de la durabilité. De nombreux pays se concentrent naturellement sur la constitution de réserves d'énergie fossile et de toute évidence, à ce stade, ils ne peuvent ni ne doivent abandonner les combustibles fossiles.
Pour autant, le maintien d'une économie fondée sur les combustibles fossiles ne résout ni le problème de la sécurité énergétique ni celui de la crise climatique. Albert Einstein disait : « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l'ont engendré ». Par conséquent, à partir de 2023, nous nous attendons à ce que les gouvernements commencent à adopter une stratégie de plus long terme visant l'augmentation des investissements dans les énergies renouvelables et leur déploiement, afin de progresser vers la « résolution » du trilemme énergétique et la réalisation d'une Transition juste, où les bénéfices de la transition vers une économie verte sont largement partagés et où ceux qui sont désavantagés économiquement sont soutenus.


Sécurité énergétique
En 2022, nous avons vu à quel point les importateurs de pétrole et de gaz étaient sensibles à la volatilité des prix induite par la géopolitique et les facteurs macroéconomiques mondiaux, et parfois la fixation artificielle des prix. De nombreux pays de l'Union européenne (UE) ont été fragilisés par le conflit entre la Russie et l'Ukraine en raison de leur dépendance excessive vis-à-vis du gaz et du pétrole russes et d'un historique de sous-investissement dans les sources d'énergie alternatives. Jusqu'à récemment, l'Europe importait 45 % de son gaz, 44 % de son charbon et 25 % de son pétrole de Russie1. En réaction à l'invasion, l'UE dans le cadre de sa proposition REPowerEU a esquissé des plans visant à tirer 45 % de son bouquet énergétique des énergies renouvelables et à réaliser 13 % d'économies en augmentant son efficacité énergétique. Cette démarche bénéficie d'un soutien démocratique, 85 % des Européens estimant que l'UE doit réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz et du pétrole russes2. Aux États-Unis, l'administration Biden a adopté une loi historique sur la réduction de l'inflation, qui alloue 369 milliards de dollars américains à des projets d'énergie propre et de décarbonation, ainsi que des crédits d'impôt pour l'énergie propre, dans le but de réduire les émissions de carbone américaines d'environ 40 % d'ici 2030.
À mesure que les décideurs politiques prennent conscience du risque de hausse durable des prix de l'énergie et du risque de coupures de courant, les arguments en faveur des énergies renouvelables connectées au réseau ou hors réseau - qui offrent une énergie propre et décentralisée - deviennent de plus en plus attractifs.
Les investissements en capital dans les énergies renouvelables devraient atteindre 500 milliards de dollars américains en 2022 et pourraient, pour la première fois, dépasser les investissements dans le secteur amont du pétrole et du gaz. Carbon Tracker, un groupe de réflexion qui étudie l'impact du changement climatique sur les marchés financiers, estime que l'énergie solaire et éolienne pourrait produire la totalité de l'électricité mondiale d'ici le milieu des années 2030 et remplacer les combustibles fossiles pour assurer la totalité des besoins énergétiques mondiaux d'ici 2050.
Toutefois, cette transition prendra du temps ; les infrastructures d'énergie renouvelable, qu'il s'agisse de l'énergie solaire, des parcs éoliens ou de l'hydroélectricité, prennent plusieurs années à construire et exigent des investissements importants, même si les coûts de fonctionnement ultérieurs sont très faibles. La capacité à satisfaire la demande de base pendant de plus longues périodes nécessite également des améliorations en matière de fiabilité du réseau et de stockage des batteries, mais ces améliorations progressent à un rythme soutenu.
Les exemples de réussite comme celui de la Grèce, qui a fonctionné entièrement à l'énergie solaire, éolienne et hydroélectrique pendant cinq heures en octobre 2022, montrent ce qui est possible. La Grèce espère désormais que les énergies renouvelables représenteront au moins 70 % de son bouquet énergétique d'ici à 2030. Nous nous attendons à voir davantage d'exemples de réussite de ce type à partir de 2023.
Une énergie abordable
Grâce aux progrès technologiques, aux améliorations conceptuelles et aux économies d'échelle, les énergies renouvelables deviennent chaque année moins chères (voir la figure 1). En 2021, d'après l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), le coût actualisé moyen pondéré mondial de l'électricité (c'est à dire le coût moyen de la durée de vie d'une centrale par mégawattheure d'électricité produit) des nouvelles centrales solaires photovoltaïques et hydroélectriques était inférieur de 11 % à celui de l'option la moins chère de production d'électricité à partir de combustibles fossiles, tandis que celui de l'éolien terrestre était inférieur de 39 %.
De plus, des chercheurs de l'université d'Oxford ont déclaré que, par rapport au modèle basé sur les combustibles fossiles, « une transition rapide vers l'énergie verte entraînerait probablement une économie nette globale de plusieurs milliers de milliards de dollars ». Une étude de la Royal Society of Chemistry montre que le vent, l'eau et le soleil consomment moins d'énergie, coûtent moins cher et pourraient créer plus d'emplois que les combustibles fossiles. Ces évolutions sont encourageantes, notamment pour les personnes pauvres et vulnérables des pays en développement qui n'ont pas accès à l'électricité.
Figure 1 : Les énergies renouvelables sont de moins en moins chères, ce qui favorise la transition vers le zéro net

Source : Agence internationale pour les énergies renouvelables, 2022.
Les actifs d'énergie renouvelable tels que les parcs éoliens et les parcs solaires offrent un potentiel de génération à long terme de revenus stables, indexés sur l'inflation, pour des coûts d'exploitation relativement faibles. Ils sont donc bien placés pour enregistrer de bonnes performances dans un environnement « stagflationniste ». Une fois la capacité installée, les prix des énergies renouvelables peuvent encore baisser. Les investisseurs commencent à comprendre que cet avantage en termes de coûts est en train de faire pencher la balance en faveur des énergies renouvelables.
Toutefois, la transition énergétique représente un défi pour les gouvernements. Elle implique la suppression des subventions importantes qui soutiennent l'industrie des combustibles fossiles et la prise en charge du coût initial de la construction de nouveaux générateurs d'énergie renouvelable au lieu de continuer à utiliser le gaz. Le caractère intermittent de la production d'énergie renouvelable exige des centrales flexibles, capables de passer au gaz, coûteux et polluant, lorsque l'approvisionnement en énergie renouvelable est insuffisant. La mise en place des infrastructures de transport des énergies renouvelables est également coûteuse et prend du temps. Enfin, il existe des obstacles structurels sur les marchés de l'électricité, comme la tarification au coût marginal en Europe et au Royaume-Uni, que certains appellent à réformer.
Un leadership affirmé sera nécessaire pour surmonter ces défis. Nous pensons que certains gouvernements dans le monde commenceront à prendre conscience des défis et à déployer les mesures nécessaires en 2023.


Durabilité énergétique
L'Institut international du développement durable a déclaré que l'exploitation de tout nouveau gisement de pétrole ou de gaz était incompatible avec la limitation du réchauffement à 1,5 °C et que la production et la consommation mondiales de pétrole et de gaz devaient diminuer d'au moins 65 % d'ici à 2050. Cela implique que les énergies renouvelables sous toutes leurs formes (éolienne, solaire, hydraulique, biocarburants, nucléaire, hydrogène vert et géothermie) devraient représenter une part plus importante du bouquet énergétique.
En 2021, d'après l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les investissements mondiaux dans la transition énergétique visant à décarboner les économies s'élevaient à plus de 750 milliards de dollars américains, soit 10 % des investissements énergétiques. Cela correspondait déjà à un bond de 27 % par rapport à 2020, celui-ci étant soutenu par la croissance des énergies renouvelables et l'électrification des transports. Le développement des installations d'énergie renouvelable et des véhicules électriques devrait limiter l'augmentation des émissions mondiales de 2021 à 2022 à moins de 1 %. Cette progression, nettement inférieure à celle de l'année précédente, est remarquable compte tenu de l'augmentation de l'utilisation des combustibles fossiles due à la crise russo-ukrainienne.
Ceci s'explique par le fait que, malgré l'empreinte carbone générée par la construction et l'installation initiales des infrastructures renouvelables (notamment du fait de l'extraction des métaux), dans l'ensemble, les énergies renouvelables émettent en moyenne beaucoup moins d'émissions de carbone au cours de leur durée de vie, comme le montre la figure 2.
Figure 2 : Émissions moyennes d'équivalent de CO2 sur l'ensemble du cycle de vie

Source : Nations unies, Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2014.
Bloomberg NEF estime que, pour atteindre l'objectif de neutralité carbone, l'investissement annuel dans la transition énergétique (terme utilisé pour désigner l'argent consacré au déploiement de technologies propres, notamment les énergies renouvelables, les véhicules électriques et le captage du carbone) doit atteindre une moyenne de 2 100 milliards de dollars entre 2022 et 2025, puis doubler pour atteindre 4 200 milliards de dollars entre 2026 et 2030.
Cette transition devra être soutenue à la fois par les gouvernements et par le secteur privé. Les gouvernements ont la possibilité de s'engager en faveur d'un avenir énergétique propre, de réorienter les subventions des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables et de limiter l'utilisation du gaz comme combustible de transition. De leur côté, les entreprises et les investisseurs auront sans doute tout à gagner à orienter les capitaux à long terme vers le soutien à la transition énergétique et aux industries vertes du futur.
Thème 2 : Poursuite de la polarisation des attitudes vis-à-vis de l'ESG aux États-Unis
Lorsque je navigue, j'ai souvent le choix entre suivre une route directe ou prendre un chemin sinueux, mais plus long. En matière d'action climatique, l'Europe semble prendre la première voie et les États-Unis la seconde.
– Paul LaCoursiere
Dans notre précédent bulletin de perspectives, nous évoquions la disparité des attitudes des conseils d'administration à l'égard de l'ESG et la question de savoir si l'ESG peut être considérée comme étant en synergie avec la performance financière. Avant 2022, certains désaccords nuancés existaient autour de l'ESG, toutefois, la proposition fondamentale de l'intégration de l'ESG - à savoir la pertinence de l'intégration des considérations ESG et climatiques dans le processus d'investissement - était largement incontestée.
Mais cette année, le ton a changé. Les fonds et stratégies ESG qui privilégiaient les valeurs de croissance technologiques et sous-pondéraient les valeurs énergétiques ont généralement sous-performé leurs équivalents non ESG. Le débat sur le rôle de l'ESG dans le devoir fiduciaire est remis sur la table. En parallèle, les normes ESG imposées aux entreprises et aux investisseurs sont de plus en plus strictes, notamment aux États-Unis. Les réticences ont désormais cédé le pas à des désaccords sur le fond.
Les critiques émanent principalement du parti républicain et de la droite américaine, qui taxent tour à tour l'ESG d'idéologie de gauche, d'instrument des élites mondialistes, de menace pour l'industrie nationale des combustibles fossiles et, en fin de compte, de facteur défavorable à la performance financière. À mesure que la crise énergétique se prolonge, l'ESG a été qualifiée, entre autres, d'idéologie « woke » et « perverse ».
Cette année, le contrôleur des finances du Texas a retiré ses avoirs de près de 350 fonds et de 10 sociétés de gestion d'actifs promouvant l'ESG. Quand au gouverneur de Floride, il a approuvé une résolution qui interdit au fonds de pension de l'État de prendre en compte les facteurs ESG dans ses décisions d'investissement et plusieurs autres États lui ont emboîté le pas.
Les répercussions se sont propagées au secteur privé. Une des avancées notables de la COP26 en novembre dernier a été la création de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), une coalition d'institutions financières gérant plus de 150 000 milliards de dollars d'actifs, qui s'est engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Toutefois, sous la pression des clients des banques participantes, qui ont fait valoir que la cession d'actifs liés aux combustibles fossiles constituait une violation de leur devoir fiduciaire, l'obligation de se conformer à la Campagne Objectif zéro soutenue par les Nations unies a été abandonnée.
Pendant ce temps, l'administration du président Biden faisait passer la loi sur la réduction de l'inflation, un programme ambitieux qui vise à stimuler l'investissement dans les énergies propres et leur déploiement.


À quoi s'attendre désormais ?
Nous ne pensons pas que les divergences entre les défenseurs et les détracteurs du développement durable se résorberont de sitôt. Au contraire, il est probable que la polarisation s'accentue en 2023.
Dans notre précédent bulletin de perspectives, nous appelions au réalisme et à un débat honnête sur ce que l'ESG peut et ne peut pas accomplir. L'enjeu est plus important que jamais. Nous pensons qu'il faut mettre les hyperboles de côté et définir avec sincérité ce qu'est réellement l'ESG.
Pour commencer, l'ESG ne correspond pas à une approche unique. C'est un terme générique qui recouvre une multitude de stratégies, dont certaines sont fondées sur des paramètres financièrement pertinents et d'autres sur les valeurs de l'investisseur. Les stratégies ESG peuvent être utilisées isolément ou conjointement (par exemple, les filtres d'exclusion et l'intégration ESG). Il est important que les investisseurs comprennent les caractéristiques du produit qu'ils achètent. Deuxièmement, la recherche montre que les risques ESG sont des risques financiers, de sorte que l'intégration des considérations ESG devrait permettre une évaluation plus complète des risques et des opportunités liés à un investissement donné. Enfin, l'essor de l'investissement ESG ces dernières années reflète en partie la nécessité de relever les défis existentiels systématiques de la durabilité, notamment le changement climatique et les dommages environnementaux. Ces défis ne disparaîtront pas d'eux-mêmes.
Toutefois, le besoin de redéfinir les priorités de l'ESG est compréhensible dans un contexte de prix élevés de l'énergie et de risques de coupures d'électricité. La sous-performance des fonds et des stratégies ESG soulève la question plus générale du rôle du secteur de la gestion d'actifs dans la sécurisation des approvisionnements en énergie et la transition énergétique nécessaire pour lutter contre le changement climatique. Ces questions sont très sensibles et, compte tenu de l'incertitude ambiante, il n'est pas surprenant que le débat soit animé. Comme mentionné dans nos précédentes perspectives, un débat ouvert et honnête sur le rôle de l'ESG - ses forces, ses limites et les éventuels compromis - est essentiel, surtout en cette période de division.
Une conclusion évidente découlant des récents événements est que la prise en compte des critères ESG par les investisseurs américains va ralentir. Toutefois, une enquête menée récemment par PwC auprès de 250 investisseurs institutionnels et gestionnaires d'actifs du monde entier, dont les actifs sous gestion s'élèvent, en cumul, à 60 000 milliards de dollars – soit près de la moitié des actifs sous gestion mondiaux – fait apparaître une volonté d'accroître, et non de réduire, les investissements ESG. L'étude3, dans son scénario principal de projection de croissance, montre que les actifs ESG sous gestion en Amérique du Nord vont plus que doubler par rapport aux niveaux de 2021 pour atteindre plus de 10 500 milliards de dollars américains en 2026 (voir la figure 3), 81 % des investisseurs institutionnels prévoyant d'augmenter leur allocation aux produits ESG au cours des deux prochaines années.
Figure 3 : Prévisions de croissance des actifs ESG sous gestion dans le monde (2021-2026)

Source: « Asset and wealth management revolution 2022 : Exponential expectations for ESG », PwC, octobre 2022.
L'étude prévoit également que les actifs ESG sous gestion en Europe augmenteront de 53 % pour atteindre 19 600 milliards de dollars américains, la croissance la plus rapide en pourcentage étant attendue chez les investisseurs d'Asie-Pacifique (APAC), avec plus d'un triplement des actifs ESG sous gestion pour atteindre 3 300 milliards de dollars américains en 2026.
L'issue des élections américaines de mi-mandat sera importante pour déterminer la suite des événements. À l'heure où nous écrivons ces lignes, les démocrates ont conservé le contrôle du Sénat et les républicains semblent bien partis pour remporter une courte majorité à la Chambre des représentants. Ces résultats pourraient bien influencer les législations futures sur l'ESG et l'adoption de l'ESG aux États-Unis.
Thème 3 : La perte de biodiversité, nouvelle priorité pour les investisseurs
J'ai eu la chance de pouvoir naviguer dans les Caraïbes. Lors de ma première visite, il y a plus de 30 ans, je me souviens avoir fait de la plongée avec masque et tuba autour de récifs coralliens aux couleurs vives et variées. Malheureusement, certaines de ces zones ressemblent aujourd'hui à des cimetières. Les coraux couvrent moins de 0,1 % des fonds marins mais abritent plus de 25 % de toute la vie marine. À cause de la pollution et du changement climatique, ces récifs coralliens, autrefois si éclatants, se transforment en déserts décolorées.
– Paul LaCoursiere
La biodiversité c'est la mosaïque luxuriante de la vie sur Terre et de l'interaction complexe entre les êtres vivants et les éléments inertes comme les roches et les sols pour créer le monde naturel. Directement impactée par l'expansion constante de l'activité humaine, la nature est aujourd'hui en crise. Nous nous attendons à ce que la perte de biodiversité devienne le deuxième problème de durabilité le plus important après le changement climatique.


Nous avons précédemment évoqué l'étendue des pertes de biodiversité et des dommages causés aux écosystèmes par l'homme.Près de 70 % des espèces animales ont disparu au cours des 50 dernières années (voir figure 4) et un million d'espèces sont actuellement menacées d'extinction au cours des prochaines décennies.À la lumière de ces constats alarmants, les scientifiques parlent d'« anéantissement biologique » et de « sixième extinction de masse ».
Figure 4 : Environ 70 % des espèces vertébrées ont disparu depuis 1970

Source : WWF/ZSL - « Rapport Planète Vivante 2022 ». L'indice Planète Vivante montre qu'un sous-ensemble de 31 821 populations de 5 230 espèces de vertébrés ont décliné en moyenne de 69 % entre 1970 et 2018. La ligne blanche correspond aux valeurs de l'indice et les zones grisées représentent la certitude statistique des tendances (certitude statistique de 95 %, fourchette de 63 % à 75 %).
Cette question est importante pour les investisseurs car la nature fournit une multitude de services à l'humanité, dont les avantages représentent 44 000 milliards de dollars américains - plus de la moitié du PIB mondial - chaque année (sans compter les innombrables avantages pour notre bien-être). Des secteurs entiers de nos économies, notamment l'alimentation et l'agriculture, dépendent du bon fonctionnement des services de la nature.


Jusqu'à présent, l'action des gouvernements, des chefs d'entreprise et des investisseurs en faveur de la nature a été limitée. Nous pensons néanmoins que cela va changer en 2023 et ce, pour trois raisons principales :
- Le programme de la COP15 : après quatre annulations dues à la pandémie de Covid-19, la Conférence des Nations unies sur la biodiversité COP15 se tiendra à Montréal en décembre 2022 pour l’adoption d’un nouveau cadre mondial post-2020 pour la biodiversité. Ce cadre propose une « vision stratégique et une feuille de route mondiale pour la conservation, la protection, la restauration et la gestion durable de la biodiversité et des écosystèmes au cours de la prochaine décennie ». Compte tenu des difficultés récentes - notamment la pandémie et la crise énergétique - qui ont durement touché les finances des États, nous ne nous attendons pas à des annonces révolutionnaires. Toutefois, compte tenu de l'urgence, nous pensons que les pays s'accorderont sur des objectifs plus ambitieux, transparents et assortis de délais concernant la nature, et qu'ils collaboreront pour atteindre les objectifs mondiaux.
- Le développement de la TNFD : la Taskforce for Nature-related Financial Disclosure (TNFD) est une initiative mondiale portée par le marché et composée d'entreprises, d'institutions financières et d'intermédiaires, à l'instar de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) pour les informations sur le climat. Son objectif est d'encourager la prise en compte des risques et des opportunités liés à la nature dans le processus décisionnel des entreprises et la publication d'informations financières liées à la nature, par le biais d'indicateurs et d'objectifs régionaux et sectoriels pertinents. Ces objectifs sont importants car les enquêtes révèlent que le manque de données et d'indicateurs est le principal obstacle à l'action des investisseurs en matière de biodiversité. Le cadre final de la TNFD sera publié en septembre 2023 et pourrait revêtir un caractère obligatoire dans certaines juridictions.
- La reconnaissance du fait que les risques liés à la biodiversité sont des risques d'investissement : les investisseurs sont de plus en plus conscients que la perte de biodiversité représente un risque financier important, en particulier dans certains secteurs tels que l'alimentation, l'agriculture et la santé. De la même manière qu'elle interagit avec le changement climatique et l'aggrave, la perte de biodiversité constitue également une menace systémique. C'est précisément pourquoi les organisateurs de la COP27 sur le climat ont consacré une journée à ce sujet. Nous pensons que les clients feront de plus en plus pression sur les gestionnaires d'actifs pour qu'ils agissent contre la perte de biodiversité. De fait, une enquête menée par Robeco auprès de 300 investisseurs dans le monde a montré que 56 % d'entre eux feraient de la biodiversité une stratégie centrale au cours des deux prochaines années. Ceci pourrait inclure l'utilisation d'indicateurs et d'objectifs de biodiversité dans l'analyse des entreprises, l'engagement auprès des entreprises sur les risques liés à la biodiversité et, le cas échéant, le vote de résolutions liées à la nature.
Le parcours à venir
Les défis mondiaux, notamment le changement climatique et la perte de biodiversité, ne vont pas disparaître ; au contraire, ils s'aggravent. La pandémie de Covid-19 et la crise russo-ukrainienne ont entraîné une augmentation des inégalités de revenus entre les pays développés et les pays en développement, ainsi que dans les pays eux-mêmes. En adoptant une approche de placement holistique qui tient compte de ces défis, l'ESG pourrait offrir aux investisseurs un moyen d'améliorer la résilience de leurs portefeuilles tout en cherchant à relever ces défis.
Toutefois, le concept même d'ESG a été confronté à une véritable tempête en 2022. L'ESG, jusqu'ici, a été considéré comme un ensemble accessible et complet de considérations que les investisseurs peuvent utiliser pour mieux comprendre les caractéristiques d'un investissement. Toutefois, l'actualité récente a mis en lumière certains de ses inconvénients, notamment l'assimilation de thèmes disparates tels que l'intensité carbone et les indicateurs de diversité, et la manière (ou l'opportunité) de réunir ces indicateurs dans un même score. Dans les cas les plus graves, la complexité de ces questions a fait naître le sentiment que l'ESG manquait de transparence.
Il est clair que l'ESG doit s'adapter et évoluer pour prospérer. Nous espérons vivement un débat ouvert et honnête de toutes les parties sur ce qu'est l'ESG, ce qu'il peut réellement accomplir, et pourquoi il est important - ce qui devrait mener à des résultats constructifs en 2023 et au-delà.
1 London School of Economics and Political Science, avril 2022.
2 Commission européenne, mai 2022.
3 « Asset and wealth management revolution 2022: Exponential expectations for ESG » PwC, octobre 2022
L'intégration ESG est une pratique consistant à intégrer, de manière non contraignante, des informations ou des points de vue de nature environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) jugés importants aux côté d'indicateurs traditionnels dans le processus de décision d'investissement afin d'améliorer les résultats financiers à long terme des portefeuilles. Ce produit ne poursuit pas une stratégie d'investissement durable, n'a pas d'objectif d'investissement durable et ne prend pas en compte les facteurs ESG de manière contraignante. La recherche ESG est un des nombreux facteurs pris en compte dans le processus d'investissement et, dans cette publication, nous cherchons à montrer pourquoi elle est financièrement pertinente.
Transition juste : cherchant à garantir que les bénéfices de la transition vers une économie verte sont largement partagés et où ceux qui sont désavantagés économiquement sont soutenus.
Coût actualisé de l'électricité (LCOE) : le coût moyen de la durée de vie d'une centrale par mégawattheure d'électricité produite. Cet indicateur tient compte du coût de la construction, de l'exploitation et du démantèlement d'une usine type pour chaque technologie.
La neutralité carbone fait référence à la compensation des émissions de gaz à effet de serre par leur élimination de l’atmosphère.
La stagflation est un cycle économique caractérisé par une croissance lente et un taux de chômage élevé accompagnés d'inflation.
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