Veuillez vous assurer que Javascript est activé aux fins d'accessibilité au site web. « Global Perspectives » : redéfinir le potentiel de croissance du secteur technologique - Janus Henderson Investors
Pour les investisseurs particuliers en France

Perspectives mondiales : Redéfinir le potentiel de croissance du secteur technologique

Notre Gérant de portefeuille Denny Fish évoque les conséquences de la hausse des taux d'intérêt et d'une éventuelle récession sur le secteur technologique, ainsi que l'évolution de grands thèmes tels que l'intelligence artificielle (IA) et le cloud dans les années à venir.

Denny Fish

Denny Fish

Gérant de portefeuille | Analyste de recherche


Lara Castleton, CFA

Lara Castleton, CFA

U.S. Head of Portfolio Construction and Strategy


17 novembre 2023
23 minute d'écoute

Principaux points à retenir :​

  • Grâce à leur lien avec de puissants moteurs à long terme tels que le cloud et l'IA, de nombreuses entreprises technologiques aux solides fondamentaux semblent prêtes à sortir encore plus fortes d'une période de ralentissement économique.
  • Le potentiel de transformation du cloud et de l'IA a de vastes répercussions sur les entreprises, la société et le contexte géopolitique. Il sera essentiel de comprendre quelles sont les entreprises qui bénéficieront de ces thèmes et quelles sont celles qui seront victimes de cette disruption.
  • Selon nous, une approche fondamentale et active de la sélection des gagnants et des perdants peut contribuer à éviter les pièges de valorisation (« value traps ») sur un marché technologique à deux vitesses, en particulier dans un environnement économique plus difficile.

Vous pouvez également regarder un enregistrement vidéo du podcast :

 

Lara Castleton : bonjour et merci de vous joindre à nous pour cet épisode de Global Perspectives, un podcast qui permet aux professionnels de l'investissement de partager leurs réflexions, et les implications qu'elles peuvent avoir pour les investisseurs.Je m'appelle Lara Castleton, je suis Responsable de l'équipe de construction et de stratégie de portefeuille pour les États-Unis chez Janus Henderson, et c'est moi qui animerai ce podcast aujourd'hui.

Cette année, lorsque je me suis entretenue avec les clients, la technologie est l'un des sujets qui est revenu le plus souvent sur le tapis. Non seulement nous sommes personnellement liés à ce secteur ‑ comme en témoigne ce podcast audio que nous enregistrons également sous forme de vidéo à diffuser en ligne sur vos smartphones et via les réseaux sociaux ‑ mais il a également été à l'origine de nombreux rebondissements pour les investisseurs au cours des 18 derniers mois. Les trois principales interrogations que je constate en matière de technologie sont les suivantes : premièrement, quel sera l'impact de l'environnement macroéconomique, de la hausse des taux d'intérêt et d'une éventuelle récession sur la technologie ? Deuxièmement, cette forte concentration du marché va-t-elle se poursuivre indéfiniment ? Troisièmement, par où commencer avec l'intelligence artificielle (IA) ?

Pour aborder ces trois questions, j'ai le plaisir d'accueillir Denny Fish, Gérant de portefeuille au sein de l'équipe Janus Henderson Global Technology and Innovation. Il réside dans la région de la Baie de San Francisco et possède une longue expérience de 20 ans dans le domaine de la gestion d'actifs. Denny, merci d'être parmi nous.

Pour commencer, j'estime qu'il faut mentionner l'environnement macroéconomique. 2022 a été une année compliquée pour les entreprises du secteur technologique, car la plupart d'entre elles ont dû revoir leurs valorisations en raison de la hausse rapide des taux. L'année 2023 semblait s'inscrire dans la continuité de cette tendance, mais des facteurs comme la crise bancaire ou l'avènement de ChatGPT ont apparemment soutenu à nouveau les valorisations de certaines entreprises technologiques. Pour la suite, compte tenu du contexte actuel et en supposant que nous approchions de la fin du cycle de hausse, quelles vont être, selon vous, les répercussions des taux plus élevés sur le secteur technologique ?

Denny Fish : c'est une bonne synthèse de la situation. Car il s'agit vraiment d'une dynamique intéressante. S'agissant des taux, comme vous l'avez mentionné, et de leur augmentation rapide en 2022, le marché s'est emballé, et nous allons revoir à la baisse les valorisations des valeurs de croissance. Cela s'est fait de manière assez aléatoire, et nous avons donc été contraints de nous adapter au fur et à mesure.

Depuis le début de l'année 2023, le rythme des hausses de taux a commencé à ralentir et le marché est progressivement revenu aux fondamentaux. Et dans de nombreux cas, les entreprises technologiques ont continué d'afficher des fondamentaux solides, ou la perception qu'a le marché de leurs fondamentaux pour les années à venir est plutôt favorable.

J'ai donc l'impression que dans l'environnement actuel, il est tout aussi important de comprendre l'évolution des taux que les chiffres de la croissance : croissance des chiffres d'affaires, croissance des marges et la manière dont cela se traduira par une croissance des bénéfices. Dans l'ensemble, le secteur de la technologie se porte plutôt bien, et nous allons aborder plus en détail les différents domaines technologiques, mais jusqu'à présent, les modèles économiques des entreprises ont fait preuve de résilience.

Même les semi-conducteurs traversent une phase difficile du cycle, mais les investisseurs connaissent l'importance des semi-conducteurs à long terme. Par conséquent, leur évaluation de ces bénéfices n'est pas aussi sévère que par le passé. Il suffit de se remémorer la pandémie. Pendant cette période, il était impossible de se procurer une machine à laver ou une voiture, on ne pouvait rien acheter parce qu'il n'y avait pas de semi-conducteurs disponibles.

Aujourd'hui, ce développement mondial va s'étaler sur une longue période et les investisseurs sont plus à l'aise avec le caractère cyclique de la situation en raison de l'importance du secteur. Ainsi, même dans les domaines où la croissance des bénéfices n'a pas été très forte, les valeurs finales ont en fait augmenté pour certains de ces actifs.

Maintenant, si l'on se projette dans l'avenir, que va-t-il se passer en 2024 ? Il semble qu'il faille s'attendre à un environnement économique plus stable. La hausse des taux devrait nettement ralentir, mais la raison pour laquelle elle va ralentir est justement due à cet environnement économique plus stable souhaité par la Fed.

En règle générale, dans ce type d'environnement, les valeurs de croissance dont les bénéfices sont solides ont tendance à générer de bonnes performances, ce qui rend le marché beaucoup plus sélectif. Les entreprises qui bénéficient des tendances à long terme sont susceptibles d'afficher des multiples plus élevés, et celles qui affichent une croissance de leurs bénéfices sont également susceptibles de maintenir leurs multiples. C'est cette continuité, comme ce qui s'est passé cette année, où même si on observe une concentration des performances au sommet des indices, on observe également une forte divergence, ce qui est à l'origine d'un environnement plus propice à la sélection de titres que ce que l'on pourrait percevoir au premier abord.

Mme Castleton :    en 2022, le marché a peut-être réagi de façon prudente puisque la situation était assez tendue. Nous n'avons pas connu de cycle de hausse des taux d'une telle ampleur dans l'ère moderne, donc réaction prudente en 2023 et retour aux fondamentaux, et c'est ce que nous devrions viser à l'avenir. En 2022, de nombreux investisseurs ont sous-pondéré la technologie au sein de leur portefeuille, et la principale question qu'ils se posent aujourd'hui est la suivante : alors que depuis 18 mois nous attendons la récession la plus anticipée de tous les temps, je ne sais pas si je veux me repositionner sur la technologie pour l'instant.

Vous l'avez déjà mentionné en partie, le scénario central est un atterrissage en douceur l'année prochaine. Cependant, si une récession devait nous affecter, quel serait, selon vous, l'impact sur la technologie ? Je suppose qu'il ne s'agit pas simplement, encore une fois, d'une réaction prudente comme en 2022 ; il y aura des gagnants et des perdants.

M. Fish : oui, il y aura des gagnants et des perdants, de la même manière que dans un environnement d'atterrissage en douceur, les entreprises qui connaissent une croissance à long terme continueront dans cette voie parce qu'elles sont soutenues par des tendances solides. Il faut donc vraiment distinguer les entreprises sensibles aux facteurs macroéconomiques, et comprendre comment ces entreprises vont être affectées. En général, il s'agit d'entreprises à croissance plus lente, qui ne bénéficient pas nécessairement des mêmes facteurs de soutien à long terme (cloud ou IA) que beaucoup d'entreprises technologiques. Cela devrait s'avérer utile compte tenu du contexte, mais encore une fois nous allons assister à une divergence.

Les environnements macroéconomiques plus difficiles ont généralement deux effets. Ils renforcent les plus forts. Ils obligent les entreprises qui manquent d'efficacité à devenir efficaces, à améliorer leurs capacités opérationnelles et à sortir renforcées de ces cycles baissiers. D'autre part, il y a les entreprises qui ont déjà été confrontées à des défis séculaires et c'est là que les investisseurs doivent être prudents. Les entreprises affichant de faibles valorisations ont produit de très bonnes performances en 2022 ; certaines ont été performantes en 2023. Ces modèles économiques sont réellement mis à l'épreuve lorsque les conditions macroéconomiques évoluent, ce qui peut entraîner de nombreux pièges de valorisation, en particulier lorsque l'environnement macroéconomique se durcit.

Mme Castleton :    les taux d'intérêt sont plus élevés qu'ils ne l'étaient. Le ralentissement potentiel de l'économie est très propice à une approche fondamentale et à un environnement potentiellement différent à l'avenir, et les gestionnaires actifs ayant choisi les gagnants au cours de la dernière décennie. Cela nous conduit à la concentration du marché, puisqu'au cours des dix dernières années voire plus, environ sept valeurs ont conditionné l'évolution de l'indice. Je pense que la première question que tout le monde se pose est la suivante :cette année, ces entreprises qui étaient perçues comme défensives vont-elles continuer de l'être ?

M. Fish : c'est une question intéressante parce que ce qui s'est passé au cours de cette période, c'est que le flux de trésorerie global que ces entreprises ont généré est simplement stupéfiant. Elles ont connu une croissance exponentielle par rapport au PIB et au marché, et le rendement de leurs fonds propres est supérieur à celui du marché. Pour toutes ces bonnes raisons, ces entreprises sont devenues des composantes de plus en plus importantes des indices.

Et compte tenu des facteurs de croissance à long terme qui leur sont associés, il me semble que ces entreprises peuvent rester performantes, et la question est alors de savoir quel multiple vous attribuez à ces actions. Voilà ce que nous devons déterminer. Mais ce n'est pas pour rien que le marché est devenu si concentré.

Et lorsque nous observons les valeurs qui viennent juste après, il est important de noter que c'est là que nous avons constaté une plus grande divergence. Et c'est là que l'on peut ajouter beaucoup plus de valeur aux portefeuilles et à l'investissement, en passant au crible les entreprises qui ont subi les ravages de la hausse des taux qui a tout écrasé et en découvrant les entreprises qui resteront performantes à l'issue du cycle, celles qui restent solides sur le plan opérationnel et qui sont bien meilleures à long terme. L'objectif est donc d'essayer d'identifier les futurs gagnants qui vont grimper dans les indices au fil du temps.

Mme Castleton :    il semble qu'il y ait de bonnes raisons pour que ces entreprises aient pris autant d'ampleur. Elles justifient et vont certainement justifier leur place dans les portefeuilles à l'avenir. Mais il existe de nombreuses opportunités intéressantes par ailleurs, et nous pourrions peut-être commencer à creuser un peu pour que vous nous disiez ce que vous recherchez en dehors des grandes valeurs connues.Qu'est-ce qui vous semble intéressant ?

M. Fish : et bien un certain nombre de secteurs. Comme les semi-conducteurs. Je pose parfois cette question aux gens : « Selon vous, qui a le plus performé ces dix dernières années ? Un panier de valeurs dans le secteur du matériel d'équipement pour semi-conducteurs ou l'action Alphabet ? » La plupart des gens répondent Alphabet.La bonne réponse est le panier d'actions de sociétés d'équipement pour semi-conducteurs. En effet, ces entreprises fonctionnent comme des quasi-monopoles, voire des monopoles dans certains cas. On compte cinq grands groupes qui dominent le secteur au niveau mondial. Et il s'agit sans doute du secteur le plus important de la planète, car sans lui, l'économie s'arrête.

C'est pourquoi aujourd'hui, tous les grands pays ‑ que ce soit en raison de tensions géopolitiques (entre les États-Unis et la Chine, par exemple) ou simplement à cause des répercussions de la pandémie ‑ veulent mettre en place leur propre écosystème durable de semi-conducteurs. Nous nous trouvons actuellement dans une phase de transition, qui durera plusieurs décennies, durant laquelle chaque grand pays construit des usines, organise son propre approvisionnement et veut être autosuffisant. Il n'existe pas tant d'opportunités que cela qui permettent aux investisseurs de se projeter dans la prochaine décennie en étant confiant dans la valeur finale de ces entreprises et dans le fait qu'elles vont gagner de l'ampleur au fil du temps.

De même, l'adoption du cloud continue de progresser. Nous n'en sommes probablement qu'à 25 ou 30 % d'adoption parmi les utilisateurs. C'est étrange de se dire que 10 ou 15 ans après le début d'un thème d'investissement aussi prépondérant il recèle encore énormément de potentiel sur la décennie à venir. C'est ce qui nous rend aussi enthousiastes à son sujet. Il s'agit aussi des « hyperscalers », des fournisseurs de SaaS (Software-as-a-service) et des facilitateurs pour le secteur des semi-conducteurs. Il existe aujourd'hui un nouveau moteur ‑ l'intelligence artificielle ‑ qui constitue le prochain méga-thème et qui prend le relais du cloud et de la téléphonie mobile qui ont occupé le devant de la scène ces 10 ou 15 dernières années. Et l'intelligence artificielle n'est possible que grâce à tout ce que nous avons fait au cours de ces 10 à 15 dernières années.

De mon point de vue, nous vivons une période très exaltante et propice à l'investissement dans la technologie. À chaque fois que nous traversons une récession, si nous entrons en récession ou dans une période de tension, les plus forts en sortent renforcés et les tendances à long terme ne sont que plus prononcées. Et l'environnement d'investissement est particulièrement propice pour identifier les entreprises qui bénéficient de la croissance à long terme. Nous restons donc très enthousiastes.

Mme Castleton :    je voudrais revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure parce que je pense qu'il faut le répéter : au cours de la dernière décennie, un panier d'actions du secteur des semi-conducteurs s'est avéré être un meilleur investissement à long terme qu'une action Alphabet. De nombreux clients investissent dans l'indice S&P 500 et se focalisent sur les sept principales valeurs sans considérer les autres. Or, il existe de nombreuses opportunités au sein du secteur technologique. Par conséquent, le risque d'une allocation passive à un indice technologique pondéré en fonction de la capitalisation boursière est de passer à côté de certains des principaux moteurs de croissance à venir dans le secteur.

M. Fish : Oui, effectivement.Pendant les périodes d'incertitude, deux ou trois de ces entreprises résisteront exceptionnellement bien et surperformeront l'indice.Et puis il y aura des périodes où ces valeurs disruptives ou innovantes dans lesquelles vous pouvez investir pourront se développer.Il est beaucoup plus facile de croître, rien n'est facile, mais il est plus facile de passer d'une capitalisation boursière de 5 ou 10 milliards de dollars à 50 milliards de dollars que de passer de 2 000 milliards de dollarsà 10 000 milliards de dollars.

C'est pourquoi nous sommes enthousiastes à l'idée de voir augmenter le nombre de ces entreprises prometteuses qui, dans de nombreux cas, pourraient être considérées comme les nouvelles valeurs du secteur de la consommation courante, en raison de leur comportement sur le marché et de la régularité de leurs performances financières.

Mme Castleton :    Point très intéressant. Cela nous amène à l'IA. Puisque nous parlons des thèmes d'investissement, comme le cloud ou les semi-conducteurs, cela fait longtemps que vous considérez l'IA comme un thème à long terme. Mais elle a commencé à susciter l'attention du monde entier début 2023.Je pense qu'il est utile d'en expliquer les raisons. Et encore une fois, c'est un sujet que vous abordez depuis un certain temps, alors quelles sont vos réflexions sur l'IA en tant que thème d'investissement à long terme ?

M. Fish : oui, c'est effectivement le cas et je le rappelle souvent à mes interlocuteurs.Cela fait cinq ans que ce thème figure dans nos présentations marketing. Mais jusqu'ici il s'agissait d'applications très discrètes de l'IA. Pensez à Gmail : lorsque vous commencez à rédiger un email et que l'application anticipe ce que vous voulez écrire, elle vous assiste pour le faire. C'est ce qu'on appelle la saisie intuitive ou la personnalisation dans le domaine de l'Internet grand public.

C'est à ces fonctions discrètes que servaient l'IA et l'apprentissage automatisé jusqu'à présent. La révélation a eu lieu en novembre 2022 lors de la sortie de ChatGPT 3. Nous suivions ChatGPT depuis des années, simplement pour voir comment il évoluait, mais ChatGPT 3 nous a stupéfaits pour plusieurs raisons.

Premièrement, il a réellement franchi un cap. Nous sommes passés de l'IA à l'IA générative à grande échelle. Il ne s'agissait plus de s'attaquer à un problème discret avec l'IA, mais d'utiliser un grand modèle de langage (Large Language Model) ‑ dont un certain nombre ont été développés au fil des ans ‑ pour appliquer autant de données publiques mondiales que possible et créer un moteur capable de générer à peu près tout ce dont vous avez besoin. Présentations PowerPoint, scripts dédiés au service à la clientèle, il y a tellement d'applications possibles. C'est à ce moment-là que les gens ont réalisé que quelque chose avait changé pour de bon. Car quelle que soit l'évolution de cette technologie d'ici un ou deux ans, son parcours sur 10 à 15 ans reste inchangé.

Un vieil adage dans le domaine des technologies veut que l'on surestime toujours ce qui va se produire dans un an et que l'on sous-estime complètement ce qui va se produire dans une décennie. Nous en sommes là avec l'IA, puisque nous avons franchi le pas vers l'IA générative. Et cela n'a été possible que grâce à l'accès infini au calcul et au cloud, qu'aux données pouvant être capturées, préparées et stockées en quantité suffisante pour les grands modèles de langage, et que parce que les grands modèles de langage ont atteint l'échelle nécessaire pour traiter ces informations. Il a fallu que ces trois conditions soient réunies pour pouvoir mettre sur le marché un produit qui s'est avéré être l'application grand public à la croissance la plus rapide de l'histoire, à savoir ChatGPT. De zéro à 100 millions d'utilisateurs en un claquement de doigts.

Mme Castleton :    personnellement, j'apprécie de ne plus avoir à inventer une histoire pour mes enfants à l'heure du coucher. Je sais qu'il existe des utilisations beaucoup plus sophistiquées de ChatGPT et il semble que le battage médiatique ait été conséquent cette année. Vous avez raison de dire que l'on surestime les implications de ce type de technologie à court terme, mais qu'on les sous-estime à long terme. Selon vous, dans quels domaines l'IA aura-t-elle le plus d'impact, que ce soit à l'échelle des entreprises, mais également à l'échelle de la société dans son ensemble ?

M. Fish : on peut voir les choses sous deux angles différents. D'abord sous l'angle des entreprises spécifiquement technologiques, dont les développeurs d'outils et les facilitateurs, car rien de tout cela n'est possible sans une unité de traitement graphique (GPU). Ensuite, il y a une quantité d'entreprises technologiques qui ne seront pas bien positionnées et qui seront vraiment perturbées. Enfin, il y a celles qui seront en mesure d'exploiter leurs avantages concurrentiels liés aux données, par exemple. Qu'il s'agisse d'éditeurs de logiciels pour les marchés verticaux ou d'acteurs de la chaîne d'approvisionnement en semi-conducteurs. Il s'agit là d'opportunités uniques d'investissement dans le secteur de la technologie.

Et au sein de la sphère des entreprises au sens large, l'IA a le potentiel de stimuler la productivité dans des proportions qui n'ont plus été observées depuis des générations. Cela a des implications considérables, car soit les entreprises prennent le train en marche et tirent parti de l'IA pour améliorer leur compétitivité, soit elles le laissent passer et perdent en compétitivité, quel que soit leur secteur d'activité, qu'il s'agisse de constructeurs automobiles, de compagnies aériennes ou de fabricants d'équipement agricole. Quel que soit le secteur, tous les acteurs devront tenir compte de l'IA d'une manière ou d'une autre.  Les implications ont évolué très rapidement.

Ensuite, les problématiques de sécurité vont devenir de plus en plus complexes, car les gens mal intentionnés auront à leur disposition des outils fonctionnant grâce à l'IA. Ils vont rendre les choses beaucoup plus difficiles, ce qui va exercer une forte pression sur les organisations. Quant à la société en général, il est difficile d'anticiper les répercussions de l'IA sur certains types d'emplois, mais on peut raisonnablement penser que de nombreux emplois destinés aux cadres débutants seront supprimés simplement en raison des possibilités de l'IA générative. Ce sera le cas dans les domaines du droit ou de la comptabilité, dans un certain nombre de secteurs dont on peut considérer qu'ils sont vraiment mûrs pour un bouleversement. L'IA aura donc des répercussions dans ces secteurs, et notamment en termes de dynamique géopolitique. Ce n'est pas pour rien que nous bloquons l'accès aux biens d'équipement pour les semi-conducteurs. Il nous faut protéger cette technologie afin de pouvoir nous protéger nous-mêmes dans un monde de plus en plus incertain.

Cela a également de vastes implications, qui vont elles-mêmes se répercuter dans toute l'Amérique des affaires, et dans la société en général. La réglementation gouvernementale entre également en jeu. Il sera très intéressant d'observer la façon dont les gouvernements, à la fois individuellement et collectivement, tenteront de réglementer l'IA, afin de s'assurer que cette dernière puisse avoir l'impact le plus positif possible sur la société.

Mme Castleton :    De nombreux facteurs entrent en jeu dans le domaine de l'IA et tellement d'orientations différentes sont possibles, ce qui est passionnant. Comment les investisseurs doivent-ils envisager d'aborder l'IA du point de vue de l'investissement ? Doivent-ils se limiter aux grands noms du secteur ? Doivent-ils considérer ce processus comme point de départ avec pour objectif final les applications pour un secteur en particulier ? Que diriez-vous aux investisseurs finaux qui envisagent de se positionner sur l'IA ? Y a-t-il peut-être quelque chose qui leur échappe dans cette technologie ?

M. Fish : Deux choses me paraissent importantes. Tout d'abord, en ce qui concerne la technologie de manière générale, bien souvent les gens considèrent que le simple fait d'investir dans le secteur des technologies est risqué en soi. Je pense qu'au contraire, c'est le fait de se détourner des technologies qui est risqué. En effet, au cours des 15 à 20 dernières années, c'est dans ce secteur que la croissance économique a été la plus forte. La technologie affiche généralement une croissance exponentielle par rapport au PIB et les entreprises du secteur enregistrent de meilleures performances. Désormais, s'ajoute à cela un super-cycle potentiel sous-tendu par l'IA.

Le problème, c'est qu'il ne s'agit pas d'un raz de marée qui va profiter à tous. La concurrence va s'intensifier entre les sept grands acteurs dont nous avons parlé. Puis, au fur et à mesure que la capitalisation boursière diminuera, beaucoup d'entreprises profiteront du cycle de l'IA et beaucoup en pâtiront. Et pour ce qui est des entreprises perçues comme tranquilles et sûres, nous devons comprendre quelles sont les implications de l'IA, car elles ne devront peut-être pas être aussi tranquilles. Il s'agit vraiment d'examiner ces actions au cas par cas.

Mme Castleton :    C'est un environnement très différent de celui que nous avons connu jusqu'à présent. Je pense que pour conclure, la dernière chose, et non des moindres, c'est que pour tous les portefeuilles (d'obligations ou d'actions), le coût du capital n'est plus nul. La technologie a sans aucun doute bénéficié des taux d'intérêt nuls pendant très longtemps. Si l'on résume vos propos d'aujourd'hui, l'innovation n'est pas prête de disparaître et reste un secteur très attractif. Mais souhaitez-vous partager une dernière réflexion avec les investisseurs sur la technologie dans un monde où le coût du capital n'est peut-être plus nul ?

M. Fish : je pense que le point clé est que chaque fois que nous évaluons une action, il faut prendre deux facteurs en compte : le taux d'actualisation et le taux de croissance.La croissance peut dépasser l'augmentation des taux d'actualisation, et c'est ce qu'il faut comprendre lorsque l'on passe d'une hausse rapide des taux à un environnement plus normalisé, comme c'est le cas actuellement. Il s'agit donc de prendre en compte ces deux éléments, et pas seulement l'un d'entre eux.

Mme Castleton :    formidable. Merci beaucoup pour ces commentaires. L'IA est extrêmement attractive, et recèle des quantités d'opportunités en dehors des sept premières composantes de l'indice. Il s'agit simplement d'un environnement différent. Les gagnants du cycle, la façon dont nous avons abordé l'investissement dans la technologie au cours de la dernière décennie, durant laquelle beaucoup de clients avec lesquels nous travaillons ont pu profiter du rebond du bêta sur le marché, seront différents à l'avenir. Les fondamentaux ont leur importance. Les taux de croissance peuvent toujours largement devancer les taux d'actualisation, mais il va s'agir davantage d'une approche de sélection active des actions.

Denny, merci infiniment pour vos éclaircissements et j'espère que vous, en tant qu'investisseurs, les avez trouvé utiles. Nous espérons que vous avez apprécié cet échange.

Pour plus d'analyses de la part de Janus Henderson, vous pouvez télécharger d'autres épisodes de nos podcasts, ou visiter notre site Internet janushenderson.com. Je suis Lara Castleton et j'ai eu le plaisir d'animer ce podcast. Merci et à bientôt.

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Les secteurs technologiques peuvent être considérablement affectées par l’obsolescence des technologies existantes, la brièveté des cycles de production, la chute des prix et des bénéfices, la concurrence des nouveaux arrivants sur le marché et la conjoncture économique dans son ensemble Un investissement centré sur une seule industrie pourrait être plus volatil que la performance d’investissements moins concentrés et que le marché dans son ensemble.

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Les opinions exprimées sont celles de l'auteur au moment de la publication et peuvent différer de celles d'autres personnes/équipes de Janus Henderson Investors. Les références faites à des titres individuels ne constituent pas une recommandation d'achat, de vente ou de détention d'un titre, d'une stratégie d'investissement ou d'un secteur de marché, et ne doivent pas être considérées comme rentables. Janus Henderson Investors, son conseiller affilié ou ses employés peuvent avoir une position dans les titres mentionnés.

 

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