Absolute return : deux décennies à chercher le bon équilibre entre la croissance et le risque
Comment construire une stratégie absolute return qui résiste à l’épreuve du temps ? Dans cette séance de questions-réponses sur ses analyses personnelles, notre gérant Ben Wallace discute de certains des événements clés survenus au cours de ces deux dernières décennies depuis le lancement de sa stratégie active de trading d'actions long/short avec le co-gérant Luke Newman.
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Principaux points à retenir :
- Les facteurs qui conditionnent les marchés ont considérablement changé au cours de ces deux dernières décennies. Si les flux de capitaux provenant de la gestion active ont eu un impact plus important sur les marchés, l’essor des ETF et des stratégies passives à grande échelle a radicalement bouleversé l’évolution du cours des actions, avec une plus grande sensibilité aux bénéfices à court terme.
- Après une décennie de taux d’intérêt extrêmement bas, nous constatons maintenant que l’accent est davantage porté sur les modèles économiques et les niveaux de dépenses et d’endettement. Cela a conduit à une plus grande dispersion des performances, reflétant justement les fondamentaux des entreprises et offrant une meilleure plateforme pour les stratégies absolute return construites autour de la sélection de titres.
- Une stratégie absolute return gérée efficacement et qui atteint ses objectifs peut jouer un rôle essentiel dans un portefeuille équilibré, car elle peut contribuer à lisser les performances lors des périodes de volatilité tout en permettant aux stratégies plus offensives de performer en cas d'embellie sur les marchés.
Quelle a été la première action que vous avez vendue à découvert ?
À l’approche de notre 20ème anniversaire, j’ai examiné de vieux dossiers avant de tomber sur celui de notre tout premier portefeuille en 2004. J’ai été assez surpris de voir à quel point il était différent. Notre première grande vente à découvert a porté sur BP. Je n’ai aucun souvenir de la raison d’être de cet investissement, mais étant donné qu’il s’agit d’un titre volatil, nous avons investi et désinvesti à plusieurs reprises.
Parmi nos premières grandes positions vendeuses a figuré également celle sur la compagnie d’assurance Aviva, une action que nous avons détenue à la fois dans nos portefeuilles acheteurs et vendeurs au fil des années. Il est intéressant de noter que près de 20 ans après, le cours de l’action Aviva est inférieur à son niveau d'il y a 20 ans au moment où nous avons initié cette position vendeuse pour la première fois ! Inévitablement, la série d'opportunités change avec le temps, ce qui souligne véritablement les avantages d’une stratégie absolute return qui peut se positionner en vue d'un résultat positif comme négatif. Vous ne dépendez pas simplement de l’évolution du cours de l’action dans une seule direction, tant en termes absolus que relatifs.
Dans quelle mesure la composition du marché était-elle différente en 2004 ?
La structure du marché était assez différente lorsque nous avons débuté, les marchés comportaient des acteurs différents et une gamme d’actions très différente. Il y a deux décennies, les flux de la gestion active avaient un impact beaucoup plus important sur le cours des actions. Les gestionnaires actifs et les banques d’investissement dominaient les négociations. Aujourd’hui, vous avez des ETF sectoriels, les stratégies passives à grande échelle, etc., ce qui a fondamentalement changé la façon dont les cours des actions évoluent.
De nos jours, il existe beaucoup plus de sensibilité aux résultats. Les publications de bénéfices négatifs à court terme peuvent être lourdement sanctionnées, alors qu’à l’époque où nous avons lancé notre stratégie, les investisseurs et les analystes essayaient de faire fi de l'actualité pour déterminer la valeur intrinsèque des entreprises. Pour les adeptes de la gestion active, il est tellement important pour le processus d'investissement de connaître les facteurs qui ont un impact sur le chiffre d'affaires d’une entreprise.
Ce qui m’a surpris à l’époque, c’est le nombre de valeurs parmi nos 10 principales positions acheteuses et vendeuses qui ne sont plus cotées en bourse. Parmi les titres que j'aperçois dans la partie acheteuse de notre premier portefeuille, BAA a été retiré de la cote en 2006 après avoir été la cible d’une OPA hostile lancée par Ferrovial ; Corus a fusionné avec Tata Steel en 2007 ; le promoteur immobilier Minerva a été retiré de la cote de la bourse de Londres en 2011 à la suite d’une prise de contrôle par Jupiter Properties ; Punch Taverns a été retiré de la cote en 2016 dans le cadre d’un accord avec le conglomérat spécialisé dans la bière Heineken.
Du côté des positions vendeuses, Cadbury Schweppes a fait l'objet d'une scission en 2008, l’effondrement très médiatisé de Northern Rock s’est terminé par sa nationalisation en 2008 ; en bref, la liste est longue. Environ 40 % des entreprises en portefeuille n’existent plus. Il peut sembler impossible de croire que le moindre évènement puisse perturber des entreprises qui dominent autant le marché à un moment donné. Or le marché évolue plus rapidement que vous ne l’imaginez. Le statu quo persiste rarement et il y a un flux constant d’opportunités d’investissement changeantes.
Quelle décision d’investissement positive distingueriez-vous ?
Pour nous, une décision clé a été prise lorsque la FSA (remplacée par la FCA en 2013) a interdi la vente à découvert sur les valeurs financières le 18 septembre 2008. Comme cette autorité de tutelle l’a expliqué à l’époque, « la chute du cours des actions des banques risquait d’exercer une pression sur leur financement et de créer ainsi une boucle auto-réalisatrice ».
Le moment choisi était propice car il a coïncidé avec l'aggravation de la crise des marchés financiers. À l’époque, nous détenions depuis quelques mois une position vendeuse assez importante sur les valeurs financières. Nous comprenons pourquoi la FSA est intervenue de la sorte, mais le rebond des actions concernées qui en a résulté a évidemment eu un impact négatif sur nos résultats.
À ce moment-là, la question était de savoir si nous devions couvrir ou non ces positions et désinvestir par mesure de sécurité (avec une perte). Si nous avions soldé ces positions, nous n’aurions pas été en mesure de les reprendre compte tenu de l’interdiction de la vente à découvert. Nous avons donc décidé de garder notre sang-froid et de rester investis. Ce fut un moment clé. Nous avons presque été contraints et forcés d'attendre l'étape suivante. Finalement, nous avons conservé ces positions probablement plus longtemps que nous ne l’aurions fait si nous avions eu le choix. Mais le résultat a été extrêmement positif à l'arrivée.
Quelle décision d’investissement négative distingueriez-vous des autres ?
Micro Focus, un éditeur de logiciels britannique, nous a servi de leçon. Cette entreprise nous plaisait beaucoup et elle produisait de très bonnes performances pour notre stratégie depuis un certain temps. Son modèle économique était vraiment intéressant, construit autour de l’achat d’anciennes valeurs de croissance spécialisées dans les logiciels qui n'avaient plus la faveur des marchés, qui remaniaient leurs activités pour réduire leurs coûts, qui remboursaient leur dette, puis qui s'endettaient à nouveau en vue de la prochaine transaction. Jusqu’au jour où la société Micro Focus a racheté le pôle Logiciels de Hewlett Packard, qu’elle a eu du mal à intégrer, avant un avertissement sur résultats massif imputable à une dégradation de l’environnement macroéconomique. Malgré la grande expérience que nous avions acquise sur l’entreprise, nous avons pris nos pertes et sommes passés à autre chose. Ce fut une bonne décision et un moment qui a souligné l’importance d’une bonne discipline.
Le travail est-il devenu plus difficile (ou plus facile) ?
Je pense qu’il faut plutôt parler d’une évolution du monde – et des marchés boursiers. À mon avis, la seule constante, c'est qu’il y a de plus grandes opportunités de performance lorsque l’argent (l’emprunt) a un coût, du moins dans le cas des stratégies absolute return. Pendant une très longue période, les entreprises ont pu emprunter des sommes considérables à un coût très faible pour financer leur croissance. Mais cela signifiait aussi que beaucoup d'entre elles qui n’étaient pas compétitives, ou qui étaient aux prises avec des dettes, ont pu se refinancer et continuer de fonctionner malgré le peu de chances qu'elles réussissent (entreprises dites « zombies »).
Dans un environnement où les taux d’intérêt se sont normalisés et où emprunter de l’argent a un coût, l’accent est beaucoup plus placé sur les modèles économiques, les dépenses, l’endettement, etc., et nous constatons que le capital agit de manière moins irrationnelle. Ainsi, les entreprises qui n’ont pas vraiment le bon produit ou la bonne structure opérationnelle pour justifier leur survie sont plus susceptibles de mettre la clé sous la porte. Cette plus grande dispersion des performances, en tant que reflet fidèle des fondamentaux des entreprises, facilite grandement une évaluation plus précise des entreprises.
Avez-vous l’intention de faire ce même travail 20 ans de plus ?
Actuellement, je me vois poursuivre jusqu’à 60 ans, donc une décennie supplémentaire au moins. À cette date, notre stratégie disposera d'un historique de performance de 30 ans. Mon plus jeune enfant aura également 18 ans. J’aime tellement ce métier que je considère comme un privilège d’en faire une carrière. Tant que je réponds aux besoins des investisseurs, il sera difficile de ne pas continuer.
Entre gérer une stratégie active de trading actions et élever cinq enfants, qu’est-ce qui est le plus difficile ?
Ce sont deux expériences pleines de défis ! Les marchés boursiers ne se soucient pas de votre vie personnelle. Les enfants ne s’intéressent pas à votre vie professionnelle. Vous êtes obligé de faire avec. Ces deux expériences peuvent vous donner rapidement une leçon d'humilité.
Quelle a été la période la plus difficile au cours de ces 20 dernières années occupées à gérer votre stratégie ?
Il doit s’agir de la période de 2019 à 2022 où les rendements obligataires étaient devenus négatifs à l’échelle mondiale. Comme nous l’avons indiqué précédemment, dans un tel contexte, il peut s'avérer beaucoup plus difficile d’évaluer avec précision les entreprises. Manquant de conviction à l'égard de la thèse d’investissement des actions, nous avons alloué moins de capital à notre cœur de portefeuille que nous ne l’aurions fait habituellement, ce qui s’est traduit par des performances peu intéressantes. C’était une période frustrante, mais dans notre travail il ne faut rien laisser au hasard. Dans ce genre d'environnement, nous jouons la montre afin de minimiser la volatilité et d'éviter de prendre des décisions qui serviraient simplement à justifier notre rôle de gérant actif.
Comment parvenez-vous à entretenir de bonnes relations avec l'équipe de direction d'une entreprise dont vous vendez les actions à découvert ?
La plupart des équipes de direction n'ont rien à redire sur le fait que nous prenions une position vendeuse, à quelques exceptions près. Du côté positif, elles veulent souvent essayer d'en comprendre la raison. Les meilleures équipes de direction vous considèrent comme un acheteur potentiel si elles peuvent vous convaincre que vous avez mal évalué leur stratégie. Elles peuvent également être désireuses de vous montrer que vous avez tort – dans le bon sens du terme. Vous pouvez déterminer si l'équipe de direction prend des décisions trop agressives ou conservatrices, il est donc important de faire la distinction entre une direction qui se concentre sur l'exécution de sa stratégie de celle qui s'attache à vous satisfaire. La plupart des dirigeants comprennent que la vente à découvert de leurs actions n’est pas l'expression d'un point de vue subjectif sur eux en tant qu'individus.
Comment les spécialistes de l'allocation d’actifs peuvent-ils utiliser les stratégies absolute return ?
Il est important que les investisseurs sachent clairement ce qu’ils veulent lorsqu’ils prennent leurs décisions en matière d’allocation d’actifs. Il existe une gamme tellement importante de stratégies absolute return dont les objectifs, les expositions et le positionnement diffèrent fortement. Je vois les choses de manière simple. Si une stratégie absolute return gère efficacement ses expositions, elle permettra aux investisseurs de gagner de l'argent sur l'année, peu importe ce qui se passe sur le marché.
Par analogie avec le football, une stratégie absolute return peut s'apparenter à un milieu de terrain défensif : invisible et efficace. Il fait partie intégrante de l'équipe, mais il n'est pas sous le feu des projecteurs alors que les joueurs plus médiatiques et qui ont du flair sont plus visibles sur le terrain.
Depuis combien de temps travaillez-vous ensemble avec Luke Newman ? En quoi vos compétences sont-elles complémentaires entre vous et avec le reste de l’équipe ?
C'est un réel plaisir d'appartenir à une équipe très soudée. Je connais Luke depuis que j’ai eu la chance, ou la malchance car cela remonte déjà aux années 1990, de lui faire passer son premier entretien d'embauche. L’un de nos analystes a été diplômé de la même université que la mienne un an avant moi. Un autre travaillait avec nous depuis plusieurs années, mais à un poste différent, avant d'intégrer notre équipe.
Nous sommes également amis en dehors du travail, ce qui nous donne une excellente occasion d'avoir des discussions franches sans trop nous soucier de froisser la susceptibilité de chacun. Nous avons tous les yeux rivés sur nos objectifs ; mais nous apportons au débat des opinions et des idées différentes, ce qui a été d'après mois essentiel pour maintenir une équipe si stable pendant aussi longtemps.
Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la gestion de fonds ?
J’aimerais vous répondre que je lisais le Financial Times et que je me faisais les dents sur des portefeuilles modèles dès l'âge de 14 ans. Mais ça n'a pas été le cas. En fait, après l’université, j’ai postulé comme à peu près tous les autres diplômés à de nombreux emplois dans l’espoir d’obtenir un poste pour lequel j’avais des aptitudes. J’ai eu la chance que ma candidature soit retenue pour un poste en gestion de fonds. C’était certainement plus dû au hasard qu'à une volonté de ma part, mais je n'arrive pas à imaginer une carrière qui m'aurait plu davantage.
Les perspectives actuelles offrent-elles des opportunités intéressantes aux investisseurs long/short ?
Oui. Nous sommes très optimistes quant à l’éventail d’opportunités que nous identifions dans tous les secteurs, tant en termes de positions vendeuses qu'acheteuses. Ce n’est pas une coïncidence si, depuis que les rendements obligataires sont devenus positifs, à savoir vers septembre 2022, nous avons commencé à observer un renouveau de la dispersion des actions, ce qui nous donne une plus grande capacité à allouer des capitaux en toute confiance. Il se passe tellement de choses à l’heure actuelle, tant du point de vue des entreprises que des valorisations et du marché. Il s’agit d’un environnement très propice à l’investissement absolute return et nous nous attachons à exploiter ces opportunités pour le compte de nos clients tant que cet environnement le permettra.
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